Traduit par Hind raad Gathwan/GICJ

La Syrie après Assad

Travailler pour la justice et établir l’État de droit

“La justice n’est pas seulement un outil pour traiter les violations du passé, mais elle constitue également la pierre angulaire de la construction de la confiance en tenant les auteurs des violations responsables à travers des procès équitables et en empêchant que les appels à la vengeance ne se concrétisent. Assurer la reddition des comptes et indemniser les victimes contribue à renforcer la légitimité des autorités de transition et à prévenir le retour du cycle de violence dans le pays.”

Geneva International Centre for Justice

Décembre 2024

Introduction

La Syrie traverse une phase de transition délicate après la chute du régime Al-Assad, une période marquée par de nombreux défis et ouverte à toutes les possibilités. Les perspectives pour l’avenir du pays varient en fonction des politiques des nouveaux dirigeants, des positions des acteurs régionaux et des orientations de la communauté internationale. Pour garantir la stabilité et éviter de sombrer dans un chaos généralisé, il est impératif de prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre justice aux victimes des violations et établir l’État de droit.

L’absence d’un cadre juridique clair entraînera l’effondrement des institutions sécuritaires et militaires, ce qui pourrait aggraver les conflits internes et constituer une véritable menace pour l’unité et la stabilité du pays. Dans un tel contexte, les autorités de transition se retrouveraient en position de faiblesse, rendant la gestion de l’État complexe et ardue.

Ainsi, il est impossible d’atteindre la stabilité sans instaurer l’État de droit et travailler sur la justice transitionnelle. La justice ne doit pas être perçue uniquement comme un moyen de traiter les violations passées, mais comme une base essentielle pour bâtir la confiance, en tenant les auteurs de violations responsables à travers des procès équitables, tout en empêchant que les appels à la vengeance ne se matérialisent. Garantir la reddition des comptes et indemniser les victimes renforce la légitimité des autorités de transition et empêche le retour du cycle de violence. Par conséquent, la mise en œuvre de l’État de droit doit être une priorité absolue de la phase de transition pour construire un État moderne basé sur l’égalité et les droits.

La justice ne peut être réalisée dans le chaos ni par des représailles individuelles permettant à chaque victime de se venger des auteurs de violations. Une telle approche ne ferait qu’engendrer davantage de chaos et de violences en retour, compromettant l’opportunité pour la Syrie de construire un État où chaque citoyen se sent en sécurité et protégé par la loi. Seul le recours à des procédures légales permettra de juger les auteurs de crimes et de violations. C’est la voie véritable pour parvenir à la justice.

Dans la quête de justice, il est crucial de traiter les preuves et les documents avec une  grande responsabilité, car ils constitueront la base des futures procédures judiciaires pour tenir les auteurs de violations responsables et rendre justice aux victimes. Cependant, la manière dont les prisonniers, notamment à la prison de Saydnaya, ont été libérés, et la gestion des documents dans ces prisons, a démontré un manque de responsabilité dans des situations aussi critiques.

Geneva International Centre for Justice propose une série d’étapes essentielles pour établir l’État de droit dans la prochaine phase en Syrie, préparer les conditions nécessaires à l’activation du système judiciaire et renforcer son indépendance afin de réaliser la justice tant attendue par le peuple syrien après des décennies de sacrifices.

Contexte

Le 8 Décembre 2024 a marqué un tournant décisif dans l’histoire de la Syrie. Ce jour-là, le régime de la famille  Al-Assad, qui avait perduré pendant plus de 50 ans, s’est effondré après la fuite du président en place, Bachar al-Assad, hors du pays. Le monde a alors découvert l’ampleur des crimes et des violations que ce régime avait commis contre le peuple syrien. Les images provenant de la prison de Saydnaya n’étaient qu’un exemple vivant de ce qui se passait dans la plupart des prisons à travers le pays.

La Syrie a connu des violations massives des droits de l’homme au cours des dernières décennies, variant entre répression politique, discrimination, arrestations arbitraires, torture et usage excessif de la violence contre les civils, particulièrement depuis le début des manifestations en 2011.

Ce rapport ne vise pas à documenter l’ensemble de ces violations ou l’ampleur des souffrances endurées par le peuple syrien au fil des décennies, mais il est nécessaire de rappeler certaines d’entre elles.

Sous le règne de Hafez al-Assad (1970-2000), la période a été marquée par des arrestations politiques massives. Des milliers d’opposants politiques ont été emprisonnés dans des conditions inhumaines dans des centres de détention tels que la prison de Palmyre. Le régime a également orchestré une répression sectaire brutale contre ses opposants dans la ville de Hama. Le massacre de Hama en 1982, mené par les forces du régime, a entraîné la mort de dizaines de milliers de civils lors de cette campagne sanglante. Par ailleurs, la persécution constante de la part des autorités a poussé un nombre important d’opposants à s’exiler hors de Syrie.

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Pendant cette période, les services du régime ont exercé des formes brutales de torture et de traitements dégradants contre les détenus politiques et d’opinion. L’état d’urgence, maintenu pendant des décennies, a étouffé les libertés publiques. Le régime a également commis des crimes de disparitions forcées, avec des milliers de militants et d’opposants portés disparus, leur sort restant inconnu à ce jour.

Le fils de Hafez, Bachar al-Assad, a poursuivi ces pratiques durant son règne (2000-2024), malgré les promesses faites dans son premier discours (17 juillet 2000) d’apporter des réformes positives et de s’ouvrir à toutes les idées pour construire un État démocratique respectueux des droits humains. Ces promesses furent de courte durée. Quelques mois plus tard, les campagnes de répression contre les militants politiques et les journalistes se sont intensifiées. La liberté d’expression a été supprimée, la création de partis politiques interdite, et les activités des organisations de la société civile sévèrement restreintes.

Les violations se sont amplifiées après le début des manifestations massives contre le régime en 2011. Les autorités ont commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, notamment des bombardements indiscriminés et l’utilisation d’armes lourdes et d’aviation militaire contre des villes et villages densément peuplés. Ces attaques ont causé la mort de centaines de milliers de civils. Les organisations internationales ont documenté l’usage par le régime d’armes chimiques, dont le gaz sarin, comme lors de l’attaque de la Ghouta en 2013.Cette période a également été marquée par des arrestations arbitraires et un recours systématique à la torture dans les centres de détention. Le célèbre « dossier César » a révélé des milliers de photos de détenus morts sous la torture, témoignant de l’ampleur des atrocités. Les disparitions forcées se sont poursuivies à grande échelle, avec des milliers de Syriens portés disparus sans qu’aucune information ne soit donnée sur leur sort.

Les offensives militaires menées par le régime contre les villes syriennes ont engendré des vagues massives de déplacements internes et d’exil. Des millions de Syriens ont été contraints de fuir leurs foyers, créant l’une des plus grandes crises de réfugiés au monde. Parmi les crimes documentés figurent les attaques contre les infrastructures civiles. Des hôpitaux, des écoles et des marchés ont été directement ciblés, en violation flagrante du droit international humanitaire et des obligations qu’il impose en période de conflit armé interne.

Il est également impossible d’ignorer les violations commises par d’autres groupes armés et milices, quelles que soient leurs appellations. Ces groupes sont accusés d’avoir perpétré des exactions graves, qui pourraient être qualifiées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ces actes incluent la torture, les exécutions sommaires, le recrutement d’enfants et les attaques contre des communautés ethniques et religieuses. Les auteurs de ces violations doivent également être tenus responsables, au même titre que les autres criminels.

Défis majeurs

Les nouvelles autorités syriennes font face à des défis colossaux, parmi lesquels:

A. Construire des institutions : La construction d’institutions étatiques capables d’assurer la sécurité et de garantir la justice est un défi central pour tout pays en transition. Cela est essentiel pour éviter les expériences d’autres nations qui ont souffert de l’effondrement de l’État et du chaos qui en a suivi. Cela nécessitera :Une restructuration des appareils sécuritaires et judiciaires,l’exclusion des responsables impliqués dans des crimes et des violations graves,la formation de nouvelles équipes basées sur les principes des droits de l’homme et de l’État de droit.

B. Instaurer l’État de droit: Cela implique l’adoption de nouvelles lois favorisant la reddition des comptes et la transparence,la fin de l’impunité dont jouissaient les auteurs de violations sous le régime de la famille Assad et la création d’une entité de supervision chargée de veiller à l’application stricte de la loi.

C. Réparer les dommages économiques et sociaux des années de la guerre: le conflit armé a laissé des destructions massives sur le plan économique, avec des villes majeures presque entièrement détruites et des infrastructures ravagées dans la plupart des régions syriennes. En outre, des décennies de guerre et de répression ont profondément marqué le tissu social syrien. Les priorités incluent une réponse sérieuse et durable pour atténuer les impacts des conflits sur la cohésion sociale.La stabilité de la Syrie à l’avenir nécessitera des efforts acharnés, tant au niveau local qu’international, pour répondre aux aspirations du peuple syrien à une vie paisible, digne et sécurisée.

Réalisation de la justice

Dans le cadre des efforts visant à établir la justice après la transition politique en Syrie, la justice transitionnelle représente un cadre juridique approprié pour aborder l’héritage des violations des droits de l’homme et des atrocités commises au cours des dernières décennies. Cependant, pour qu’un système de justice transitionnelle efficace puisse tenir les auteurs responsables, il est nécessaire d’adopter une approche globale et multidimensionnelle afin d’assurer réparation aux victimes et de prévenir la répétition des violations. Les étapes possibles incluent :

A. Création d’une commission indépendante pour la justice transitionnelle: chargée d’enquêter sur les crimes commis pendant le conflit. Elle aurait pour mission de :

  • Élaborer un plan global de mise en œuvre de la justice transitionnelle en collaboration avec les institutions et parties concernées.
  • Être composée de juges, d’avocats et d’experts en droits humains impartiaux afin de garantir son intégrité.
  • Impliquer activement les victimes et les organisations de la société civile dans ses travaux et ses décisions.
  • Assurer un haut niveau de transparence dans ses procédures et son fonctionnement.

B. Création de commissions vérité :ces commissions auraient pour but de documenter les violations, de recueillir les témoignages des victimes et de clarifier les faits. Elles joueraient un rôle clé en :

  • Enregistrant les violations et en analysant leurs contextes et conditions.
  • Présentant des rapports détaillés qui contribuent à faire la lumière sur les faits et à renforcer la compréhension collective.
  • Organisant des audiences publiques où les survivants peuvent partager leurs récits, ce qui aide à consolider les informations recueillies et favorise la réconciliation sociale.

Un exemple marquant de ce type de commission est la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud.

C. Assurer une justice réparatrice:Il s’agit d’offrir des réparations matérielles ou morales aux victimes et à leurs familles en fonction des préjudices subis. Cela pourrait inclure :

  • Des compensations financières, sous forme de montants spécifiques ou de pensions mensuelles.
  • Des réparations symboliques, comme des excuses officielles.

Cela necessite la mise en place de fonds de soutien nationaux ou internationaux pour financer ces compensations.

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Documentation et collecte de preuves

Il est impératif de commencer un processus rigoureux de documentation, car une documentation précise garantit que les auteurs ne bénéficient pas d’une impunité et aide à préserver l’histoire tout en augmentant la sensibilisation aux crimes commis. Cela nécessitera la création de centres nationaux de documentation des crimes et la conservation systématique des preuves, afin de garantir leur utilisation dans le cadre des procédures judiciaires et des procès.

Dans ce contexte :

  • Il faudra s’appuyer sur des techniques modernes, telles que les images et les vidéos, en utilisant des méthodes d’analyse avancées pour examiner les sites de crimes et recueillir les témoignages des survivants, tout en les analysant avec des outils scientifiques pour garantir leur fiabilité.
  • Il sera crucial de récupérer les documents et les preuves qui ont été saisis par les autorités des prisons, des centres de détention et des institutions étatiques.
  • GICJ trouve que le chaos résultant de l’ouverture des prisons et de la libération massive des détenus a conduit à une perte considérable de documents et de preuves, rendant leur récupération essentielle et prioritaire.

En outre :

  • L’utilisation d’outils médico-légaux sera indispensable pour analyser les fosses communes et identifier les victimes et l’expertise en analyse génétique via les laboratoires spécialisés en ADN sera cruciale pour ce travail.
  • Il est crucial de prévenir tout acte de sabotage ou d’appropriation des fosses communes. Leur ouverture ne devrait être autorisée que par des commissions spécialisées et en coordination avec les familles des victimes, les organisations syriennes et internationales, sous le strict contrôle officiel.Toute intervention individuelle non réglementée sera formellement interdite.

La responsabilité : jugement des auteurs de violations et de crimes

Après la collecte des faits et l’achèvement de la documentation, la phase des procès commence. Il ne peut y avoir de condamnation ou de jugement d’une personne sans l’intervention d’une juridiction compétente et équitable, offrant toutes les garanties judiciaires fondamentales. Pour que les procès deviennent une véritable voie de justice et une étape essentielle pour mettre fin à l’impunité qui a régné pendant des décennies, il est impératif que ces procès respectent les normes et les principes internationaux pertinents.

Les éléments clés incluent :

1.Le droit à une défense : Les accusés doivent avoir le droit de se défendre, soit en engageant leurs propres avocats, soit avec l’aide de la cour si nécessaire.

2.Interdiction des aveux sous contrainte ou sous la torture

3.audiance publique si possible

Afin de procéder à des procès au niveau national, il peut être nécessaire de créer des tribunaux nationaux spécialisés pour juger les crimes graves, tels que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, ou de poursuivre ces cas devant les tribunaux existants. Un facteur clé dans ce contexte est le respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire, avec un éloignement de l’ingérence de l’exécutif dans les affaires judiciaires. Il sera également nécessaire de réviser certaines lois pour les aligner sur le droit international, telles que les Conventions de Genève, pour garantir des procès équitables.

Il sera indispensable de fournir une protection adéquate aux témoins et aux juges pour éviter toute menace ou intimidation.

Dans certains cas, le recours à des tribunaux internationaux tels que la Cour pénale internationale (CPI) pourra être envisagé pour poursuivre les auteurs de crimes graves à l’échelle internationale. De plus, l’application du principe de compétence universelle dans les pays qui le pratiquent, notamment en Europe, pourra être utile pour poursuivre les individus concernés, en particulier ceux qui résident dans ces pays si leur jugement par les tribunaux syriens n’est pas possible.

Justice réparatrice et réintégration

Il ne sera pas possible d’achever les exigences de la justice sans fournir un soutien psychologique et social aux victimes et à leurs familles. Il sera impératif de réhabiliter les anciens détenus et les survivants de la torture et des horreurs de la guerre. Des programmes de réhabilitation et de réintégration devront être mis en place pour les individus forcés à participer au conflit dans des conditions contraignantes, y compris les enfants enrôlés de force. Ces programmes doivent inclure des initiatives de sensibilisation pour prévenir le risque de les transformer à leur tour en menaces futures.

Le soutien psychologique et social nécessitera également la création de centres spécialisés pour le traitement des traumatismes psychologiques des survivants, ainsi que le lancement de programmes éducatifs et professionnels pour leur réintégration dans la société.

Responsabilité judiciaire

Pour atteindre une justice complète, la responsabilité doit s’étendre à toutes les parties impliquées dans les violations graves. La justice doit être globale, incluant les violations perpétrées par le régime, l’opposition et les groupes armés, en traitant toutes les infractions, indépendamment de l’identité des auteurs, tout en garantissant que personne ne soit au-dessus de la loi. Le fait de prévenir l’esprit de vengeance est fondamental dans toutes les circonstances. Il est essentiel d’éduquer la société pour que la justice soit perçue comme un devoir légal et non comme un moyen de vengeance personnelle.Le rôle de la société civile et des leaders communautaires doit être renforcé pour promouvoir la conscience collective et protéger la communauté contre toute tentation de vengeance.

Soutien à la stabilité sociale

stabiliser la société sera crucial dans le cadre des efforts pour atteindre la justice en Syrie. Il sera essentiel de lancer un dialogue national inclusif, impliquant toutes les composantes de la société syrienne, et de prendre des mesures pour guérir les blessures sociales, telles que l’organisation de cérémonies symboliques en hommage aux victimes ou la création de monuments mémoriels. L’introduction de concepts de droits de l’homme et de citoyenneté dans les curricula scolaires sera également cruciale, tout comme l’organisation de ateliers et de formations pour renforcer la culture de la responsabilisation et de la justice ,les médias joueront également un rôle important en diffusant la culture de la justice transitionnelle, ce qui aidera à impliquer les communautés locales dans les efforts pour rendre justice à toutes les victimes des violations.

Rôle de la communauté internationale

Le rôle de la communauté internationale ne peut être négligé dans la phase de reconstruction en Syrie. Cela inclut les institutions internationales clés telles que le Conseil de sécurité des Nations Unies, le Conseil des droits de l’homme, ainsi que les organisations régionales comme l’Union européenne et la Ligue des États arabes. Ces entités peuvent apporter un soutien technique et financier pour la création de mécanismes judiciaires capables d’assurer des procès équitables et d’aider à poursuivre les responsables des violations. Elles pourraient également soutenir la Syrie dans les démarches techniques nécessaires pour l’ouverture de fosses communes et l’identification des victimes.

Le rôle des mécanismes internationaux établis par les Nations Unies au cours des années, tels que la Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie (III-M), mis en place par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 2016, sera crucial. Ce mécanisme a pour mandat de collecter, préserver et analyser les preuves, ainsi que de poursuivre en justice les individus responsables des crimes les plus graves reconnus par le droit international, commis en Syrie depuis mars 2011. De même, la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, créée par le Conseil des droits de l’homme en août 2011, a pour mandat d’enquêter sur les violations présumées du droit international des droits de l’homme en Syrie depuis mars 2011. Ces mécanismes joueront un rôle de soutien pour les autorités syriennes et les efforts locaux en matière de justice.

Il sera également essentiel que la communauté internationale soutienne la levée des sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi que la libération des fonds syrien gelés, tout en offrant un soutien total au peuple syrien dans sa quête de reconstruction et de stabilité.

Ouverture aux expériences antérieures

Il existe des expériences dans les pays de la région et d’ailleurs qui peuvent inspirer le processus visant à parvenir à la justice et à la réconciliation en Syrie. Certes, chaque cas a ses propres caractéristiques et circonstances, et la justice transitionnelle doit donc être conçue pour s’adapter au contexte syrien. Cependant, cela n’empêche pas de découvrir d’autres expériences, car elles fournissent des enseignements importants, qu’elles aient été réussies ou confrontées à des défis. qui a affecté leur travail.

Dans ce domaine, l’expérience sud-africaine (commissions vérité et réconciliation) est considérée comme l’une des expériences de justice transitionnelle les plus importantes au niveau international. Cette expérience intervient après des décennies au cours desquelles l'Afrique du Sud a souffert de violations du système d'apartheid contre les citoyens noirs, qui constituent la majorité absolue du pays. Après la fin du régime de l’apartheid en 1994, la Commission Vérité et Réconciliation a été créée sous la direction du pasteur Desmond Tutu. L'un des aspects les plus marquants de l'expérience a été que les commissions vérité ont écouté les témoignages des victimes et des auteurs lors d'audiences publiques, et que l'accent a été mis sur la révélation de la vérité dans le but de parvenir à un équilibre entre justice et réconciliation afin d'assurer la stabilité dans le pays.

Conclusion

L’instauration de la justice et de l’état de droit en Syrie nécessite des efforts concertés et soutenus tant au niveau local qu’international. Les blessures profondes laissées par des décennies de conflit rendent impératif l’adoption d’une approche globale de la justice transitionnelle, non seulement pour traiter les violations passées, mais aussi pour bâtir un avenir stable fondé sur le respect des droits de l’homme et de la souveraineté.

GICJ estime qu’un équilibre entre justice et stabilité sociale est essentiel. Un excès de tolérance pourrait permettre à certains auteurs d’infractions de bénéficier d’une impunité, tandis qu’un recours excessif à la justice pénale pourrait aggraver les divisions sociales et entraîner de nouvelles souffrances. Il est donc crucial de trouver un équilibre entre le besoin de justice et la préservation de la cohésion sociale.

La Syrie regorge de potentialités et d’atouts considérables. Cependant, sans un soutien international réel et intégré, tant sur le plan politique, économique que technique, le pays continuera de souffrir d’instabilités et de conflits. La communauté internationale a la responsabilité de fournir tout le soutien nécessaire pour contribuer à la mise en œuvre de la justice et rejeter toute ingérence dans les affaires intérieures du pays

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