Ecrit par Sanzhar Aitkulov
Traduit par Alexandra Guy
Des manifestations de masse ont été observées depuis le 2 janvier 2022 au Kazakhstan, après une explosion soudaine des prix du gaz liquéfié. Le mouvement a débuté dans la ville de Zhanaozen, à l’Ouest du pays, mais s’est vite propagé dans d’autres villes : Almaty, Aktau, Aktobe, Karaganda, Nur-Sultan, Shymkent, Kokshetau, Uralsk et Zhezkazgan.
Les habitants de toutes les régions du Kazakhstan sont descendus dans la rue pour soutenir le mouvement de Zhanaozen en scandant : « Zhanaozen, on est avec toi ». Dans certaines villes, les manifestations se sont intensifiées au point de se transformer en émeutes. Ces manifestations sont exceptionnelles au Kazakhstan. Les dernières en date ayant eu une telle ampleur remontent à 1991, lors de l’obtention de l’indépendance du pays d’Asie centrale. Les réclamations de changement se sont ensuite accumulées au cours de ces trente années. Il était principalement demandé à l’ex-président Nazarbayev de se retirer de la scène politique. Après avoir été le président du Kazakhstan pendant presque 30 ans, il démissionna de son poste en 2019.
Le gagnant des élections de 2019 n’est autre que le protégé de Nazarbayev, Tokayev, ancien membre du Sénat. Une fois président, il a renommé la capitale en honneur à Nazarbayev, ce qui, en plus de la nature frauduleuse des élections, a poussé beaucoup d’individus à manifester.
Le Conseil de sécurité a été créé afin de renforcer le pouvoir de Nazarbayev. Ce Conseil était devenu l’autorité majeure et était présidé par Nazarbayev. En outre, une loi relative au « chef de la nation » garantie l’immunité judiciaire à Nazarbayev et sa famille. Excédés de l‘impunité totale accordée à la famille de Nazarbayev, les Kazakhs sont descendus dans la rue pour manifester. L’annonce de la baisse des prix du gaz ne les a pas dissuadés de faire entendre leur frustration quant au système politique. Les manifestants ont demandé la dissolution du Parlement et la démission de Nazarbayev, ainsi que l’amélioration des conditions sociales de la population.
En effet, les paiements sociaux sont très bas par rapport à la hausse des prix des produits. Les crèches et écoles manquent de places. Le taux de chômage est élevé, particulièrement dans les régions de sud et de l’ouest du pays. Ceci s’est d’ailleurs ressenti dans le mouvement de janvier 2022, les manifestants au sud et à l’ouest étant particulièrement nombreux.
Le système oligarchique du pays contrôle nombre d’entreprises. Par exemple, la taxe de recyclage pour l’immatriculation des voitures est gérée par une entreprise privée. Leur taux de collecte sont très élevés. Par conséquent, de nombreuses voitures étrangères sont arrivés dans le pays. Les Kazakhs achètent des voitures sans les immatriculer en raison des prix trop élevés. Les fonds d’Etat tel que « SamrukKazyna » et la Banque de développement du Kazakhstan se sont mis à développer des programmes qui ne bénéficie qu’a l’Etat, sans améliorer le bien être de la population.
Les violences policières lors des manifestations actuelles ne sont pas inédites. En 2021, les forces de l’ordre répondirent avec une violence extrême aux manifestations qui se déroulaient à Zhanaozen. Cette fois ci, toutes les régions du pays se sont soulevées contre le gouvernement. La réaction des autorités a été immédiate. Le gouvernement, dirigé par le premier ministre Mamin, a été dissolu et l’Etat s’est engagé à réduire le prix du gaz le plus vite possible. Le représentant du Comité de sécurité Nationale a été mis en détention pour trahison et Nazarbayev a été licencié du poste de président du Conseil de sécurité. Dès le 5 janvier, des émeutes de masses ont été observées dans les villes d’Almaty, Taraz et Shymkent. Le peuple a demandé la démission de toutes les membres de l’autorité. Les bâtiments de l’hôtel de ville, le bureau du procureur et les locaux du parti au pouvoir Nur-Otan ont été brûlés. Lors des altercations, la police a frappé les citoyens, a ouvert le feu et a utilisé des équipements militaires. A Almaty, la police n’a pas pu faire face à l’assaut des manifestants. Certains policiers ont même retiré leur uniforme pour se mettre à manifester eux aussi. Le 6 janvier, le président Tokayev a qualifié les actions des manifestants de tentative de coup d’Etat et d’acte terroriste. Il a ensuite demandé de l’aide à l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective). En effet, selon l’article 8 du traité, les Etats membres doivent coordonner et unir leurs efforts pour combattre les menaces terroristes et extrémistes internationales qui pourraient menacer la sécurité, la stabilité, l’intégrité territoriale et la souveraineté des Etats Membres. Cependant, l’article 5 de l’accord stipule que l’Organisation doit opérer dans le strict respect des principes d’indépendance et non-interférence dans les affaires internes. Les troupes de l’OTSC sont arrivé le jour même de l’appel du président, et Tokayev a donné l’ordre de tirer pour tuer sans avertir les manifestants. Beaucoup d’entre eux ont également été détenus au cours des soulèvements, des agitateurs empiétant sur la propriété privée aux citoyens pacifiques venus soutenir Zhanaozen.
A partir du 4 novembre, le réseau téléphonique et Internet ont été coupés dans tous le pays. Seules les chaînes nationales officielles ont continué de fonctionner. A partir du 7 janvier, la connexion a été restauré de manière intermittente. De plus, depuis le 6 novembre 2021, un Etat d’urgence a été déclaré et les forces de l’ordre se sont mis à patrouiller dans les villes entièrement armées. L’entrée et la sortie de certaines villes ont été interdites, des barrages routiers ont été instaurés pour contrôler les voitures, et un couvre-feu a été mis en place. Des journalistes de Radio Azattyk (radio liberté) et de Current Time ont été détenus au cours des manifestations, afin d’être interrogés puis relâchés.
Geneva International Center for Justice (GICJ) soutient le combat pour le développement pacifique de la démocratie au Kazakhstan. Nous condamnons les violations des droits humains ayant eu lieu pendant les manifestations et nous nous opposons à la décision du président autorisant les forces de l’ordre à tirer sans avertissement. Nous apportons notre soutien au peuple Kazakh dans leur combat pour la démocratie et demandons la libération des prisonniers politiques et des journalistes pour rétablir l’ordre public et assurer la sureté et la sécurité de tous les citoyens du pays.
Read in English
Justice, Human Rights, Geneva, geneva4justice, GICJ, Geneva International Centre For Justice