Dialogue Interactif sur la présentation orale de la Haut-Commissaire sur l’Ukraine (res. 41/25) et Rapport intérimaire du Secrétariat Général sur la Situation des droits de l’homme en Crimée (GA res. 75/192)
9 juillet
47ème Session du Conseil des droits de l’homme, 21 juin au 15 juillet 2021
POINT 10 – Assistance technique et renforcement des capacités
Ecrit par : Tristan Arlaud
Résumé analytique
Le conflit dans la République Autonome de Crimée et en Ukraine orientale (région du Donbass) a commencé en 2014 et se poursuit encore aujourd’hui. Cette dispute implique deux États Membres des Nations Unies (L’Ukraine et la Fédération de Russie), de la Convention européenne des droits de l’homme, et partis membre de la plupart des traités de droits humains et humanitaires. À la suite de l’abattage d’un avion voyageant d’Amsterdam à la Malaisie, tuant tous les 298 passagers à bord, la situation en dégradation a attiré l’attention du Conseil des droits de l’homme et de la communauté internationale.
Tout comme dans la plupart des sessions du CDH, des sujets importants sont mis en avant sur des problématiques de droits humains majeurs partout dans le monde. Il n’est pas rare que la situation d’un pays spécifique soit répétitivement mise sur la table. Ainsi, le conflit en Crimée et en Ukraine orientale a très souvent figuré dans l’agenda du Conseil au cours des sept dernières années.
Au cours de la 47ème Session du Conseil des droits de l’homme, tenu entre le 21 juin et le 15 juillet 2021, les situations des droits de l’homme en Crimée et en Ukraine ont été discutées sous la forme d’un dialogue interactif le 9 juillet, selon le POINT 10 de l’agenda, nommément : Assistance Technique et renforcement des capacités.
Geneva International Center for Justice réitère le besoin d’améliorer la situation humanitaire dans cette région du monde, étant donné le nombre de pertes et de violations des droits de l’homme. Les violations des lois internationales ne devraient avoir lieu sous aucune circonstance, et particulièrement pas pour des raisons politiques. A la lumière de tous les POINTS discutés pendant la session de cette année, il est essentiel de souligner que la situation en Crimée et en Ukraine orientale n’a connu que peu ou pas d’amélioration depuis des années, et nécessite une action imminent.
Contexte
La péninsule de Crimée a initialement été conquise par la Russie au 18ème Siècle. En 1954, la Crimée est devenue partie intégrante de l’Ukraine, sous complète juridiction ukrainienne du territoire. Après la chute de l’Union Soviétique en 1991, la ville de Sébastopol est restée l’un des ports principaux de la flotte navale russe. Aujourd’hui, la majorité de la population criméenne est d’ethnicité russe et détient la nationalité russe. Le conflit entre l’Ukraine et la Fédération de Russie a initialement commencé dans le bassin du Donetsk (Donbass) et en Crimée en avril 2014 à la suite de ce qui est de nos jours appelé « l’annexion illégale de la Péninsule criméenne » par la communauté internationale. Concernant les groupes séparatistes dans le Donbass, le Kremlin a été accusé d’utiliser des groupes armés pour les militariser, afin de poursuivre leur combat contre l’Ukraine et prendre le contrôle du territoire. Depuis que la Fédération de Russie a nié toutes allégations de violation du droit international sur les droits humains et humanitaires dans les deux régions, le conflit continue en dépit d’innombrables tentatives de cessez-le-feu par les autorités ukrainiennes. En 2015, le Protocole de Minsk est signé en Biélorussie afin de tenter d’obtenir la paix. En dépit de toutes les obligations internationales imposées aux deux Etats, il semble que se poursuivent de continuelles violations des droits de l’homme, les civils étant les premières victimes de ce conflit très politisé. Le nombre de morts se compte dorénavant en milliers et les accidents sont récurrents, tel que le cas de l’avion de ligne de la Malaysian Airline abattu en 2014, tuant 298 passagers internationaux. En outre, dans les territoires ayant différentes ethnicités et groupes séparatistes ou religieux, une importante discrimination raciale, et même des profilages ethniques sont fréquemment signalés, et ce, notamment en raison de l’imposition de la loi russe par ses autorités sur les sols étrangers.
Dans ce contexte, à l’occasion du Dialogue Interactif sur la présentation du Haut-Commissaire tenu lors de la 47ème session du Conseil des droits de l’homme, le 9 juillet 2021, le Conseil a examiné le Rapport du HCDH sur la détention arbitraire et les mauvais traitements dans le contexte du conflit armé en Ukraine orientale de 2014 à nos jours ; le rapport du Secrétaire Général sur la situation des droits humains dans la République Autonome de Crimée (GA res. 75/192) ; et la res 41/15 du CDH adoptée le 12 juillet 2019 en coopération avec l’Ukraine et en assistance à celle-ci pour le respect des droits de l’homme.
Rapports du HCDH et du Secrétariat Général
Le HCDH a présenté le rapport A/HRC/47/CRP.2 sur la détention arbitraire, la torture et les mauvais traitements dans le contexte des conflits armés en Ukraine orientale, entre 2014 et 2021.
Ce rapport se base sur l’analyse de 1 300 cas individuels liés à des conflits documentés par les différentes missions de HCDH depuis 2014. Ce rapport très thématique permet au HCDH d’estimer correctement la situation générale des droits de l’homme en Ukraine orientale. Par conséquent, le HCDH a notifié qu’environ 4 000 détenus pour raison de conflits avaient été sujets à des mauvais traitements ou à de la torture, que ce soit dans les territoires contrôlés par le gouvernement ou par les forces armées. Le Conseil, cependant, accueille avec satisfaction une baisse de la prévalence de la torture et des mauvais traitements dans les zones contrôlées par le gouvernement.
Néanmoins, cela souligne le fait que des efforts doivent encore avoir lieu, étant donné la gravité des crimes et les violations continuelles.
Une réduction des lieux non-officiels de détention arbitraire dans les régions contrôlées par le gouvernement a été signalée, mais le phénomène en lui-même reste courant. Cependant, la République populaire de Donetsk (RPD) utilise toujours régulièrement des lieux non-officiels pour mettre en place des arrestations administratives et des détentions arbitraires, souvent jugées inéquitablement. Parmi les forces de l’ordre de la RPD, il a également été constaté que de nombreuses détentions liées à des conflits documentés s’apparentaient à des arrestations arbitraires, une problématique qui perdure encore aujourd’hui. En outre, les violations commises par chaque partie bénéficient trop souvent de l’impunité, pendant que le nombre de victimes se multiplie jusqu’à attendre les milliers avec des violations répétitives de leurs droits.
Ensuite, le Secrétaire Général a présenté un rapport A/HRC/47/58 sur la Situation des Droits de l’Homme dans la région autonome de la République de Crimée et la ville de Sébastopol (mandaté par l’AGNU res. 75/192).
Ce rapport traite du développement des droits de l’homme dans la République autonome de Crimée et dans la ville de Sébastopol entre le 1er juillet et le 31 décembre 2020. En dépit des efforts incessants du bureau du SG, il a été difficile de mener une mission de contrôle appropriée conformément à la résolution 75/192 de l’AGNU. Ainsi, il se base principalement sur un contrôle à distance ; cependant, il met en lumière la situation des droits de l’homme dans cette région. Présenté en premier lieu, le manque continu de la Fédération de Russie à ses obligations internationales en matière de droits humains et humanitaires en tant que puissance d’occupation en Crimée revêt une importance cruciale.
À la fin de l’année dernière, le bureau a présenté d’importants cas documentés de harcèlement et tentatives d’entraves délibérés à l’encontre d’avocats défendant leurs clients dans des procédures de grande ampleur. De plus, les verdicts de culpabilité sont continuellement prononcés sans garantie de procédure équitable. Comme il est commun dans ce conflit, de nouvelles allégations de torture et de mauvais traitements ont été commises par le Services fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) et d’autres forces de l’ordre contre des individus en détention. Il est devenu récurrent d’utiliser de tels traitements comme moyen d’auto incrimination.
En outre, des isolements cellulaires ont également été signalés comme étant utilisé en tant que forme de sanction pour des offenses mineures ou en tant que moyen coercitif pour obtenir des déclarations de la part de détenus incriminant des tiers ; certains détenus criméens ont décrit les conditions de tous les établissements comme étant inhumaines au vu des traitements reçus.
La discrimination contre les témoins de Jéhovah est aussi régulière en Crimée : il leur est interdit de s’assembler et ils risquent des accusations pénales pour la simple pratique de leurs croyances. En ce qui concerne les religions, l’Église Orthodoxe a été soumise à une pression croissante, étant menacée de perdre deux de ses lieux de culte les plus importants dans la région.
En conclusion, la mission de contrôle du HCDH reflète le fait que la situation des droits de l’homme en Crimée ne s’améliore pas.
Dialogue interactif sur la présentation orale de la Haut-Commissaire – Représentant de l’Ukraine
Le dialogue interactif tenu le 9 juillet a introduit par Mme Monique T.G Van Daalen, Vice-Présidente du Conseil, puis la Rapporteuse Mme Keva Lorraine Bain, également vice-présidente du Conseil, a continué. Après les formalités d’ introduction, La Haut-Commissaire adjointe des droits de l’homme, Mme Nada Al-Nashif, a pris la parole et présenté les deux rapports du HCDH précédemment résumés.
Ensuite, Mme Emine Dzaparova, la première vice-ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a donné une description claire et inquiétante de la situation. Dans sa déclaration, elle a mis en avant le fait que le rapport reflète la situation terrible ayant lieu en Ukraine orientale, en République autonome de Crimée et dans la ville de Sébastopol en matière de droits humains. La vice-ministre a présenté des témoignages d’otages dans la région du Donbass, en Ukraine orientale, qu’elle a décrit comme étant des « livres d’horreur ». Avec un usage fréquent d’électrocutions, d’asphyxies, de coups et témoignages de haine, de privations de besoins de base et de simulations d’exécutions, il est clair que la cruauté de la situation dans le Donbass requiert l’attention de toute la communauté internationale. Mme Dzaparova se réfère à un livre écrit par un certain Stanislav, un ancien otage qui a survécu à l’isolation dans un camp de torture. Selon les rapports étudiés, il apparaît que la Russie a établie divers camps de concentration ainsi que des prisons secrètes dans la région du Donbass. Dans sa déclaration, elle désigne la Russie comme le principal responsable accuse les mandataires de la Fédération d’échapper à toute responsabilité. Elle déclare : « En tant que membre du CDH et du Conseil de l’Europe, il est aberrant que Moscou commette de telles horreurs […] la Fédération de Russie continue à distordre la réalité et à imposer de fausses narrations… »
Depuis le début du conflit, la Fédération de Russie a continuellement conduit une campagne de désinformation massive aux niveaux national et international, en tentant de légitimiser ses actions. En dépit de cela, Mme Dzaparova déclare que l’Ukraine continuera à lutter. Durant la première semaine de juillet 2021, une nouvelle loi a été adoptée pour protéger les peuples autochtones. Cependant, ce combat juridique semble avoir un impact minime, sachant que des centaines de Tartares de Crimée continuent d’être détenus illégalement sur la base de charges politiques infondées.
Il est évident que la situation en Crimée et en Ukraine orientale ne s’améliore pas, aucune aide médicale n’étant apportée, les droits humains étant constamment violés, et l’armée tentant de supprimer une culture et une ethnicité entière.
Enfin, la vice-ministre a mis en lumière le développement récent de la création d’une plate-forme comme nouveau mécanisme de coordination et de consultation. Le gouvernement ukrainien lancera la plateforme le 23 août de cette année. Cette plateforme a pour but premier de « renforcer la réponse internationale à l’occupation russe illégale… ».
Dialogue Interactif sur la présentation orale de la Haut-Commissaire – Délégations
Comme dans chaque dialogue suivant la présentation orale d’un Haut-Commissaire, de nombreuses délégations du monde entier ont pris la parole et exprimé leurs inquiétudes sur le sujet. Les Nations ont apporté une myriade de questions qui ont fait apparaître certaines préoccupations récurrentes, caractérisant les réalités du conflit. La plupart des pays ayant pris la parole, tel que l’Islande, la Slovénie, le Canada, la Finlande, et beaucoup d’autres, ont réitéré leur condamnation de l’annexion illégale de la Crimée par la Russie et ont exprimé leur soutien à une souveraineté ukrainienne et à une intégrité territoriale. D’autres violations fréquentes liées aux conflits sont les détentions illégales et arbitraires, ainsi que les arrestations, la torture, les enlèvements et les enrôlements forcés de personnes protégées.
Avec la montée de la pandémie de la COVID-19, et étant donné la détérioration de la situation dans la région, certains États ont avancé la nécessité de mettre un terme aux violences sexuelles, dégradations et mauvais traitements à l’égard des femmes, des enfants, et des Tatares criméens. Selon les rapports et les différentes déclarations, les Tatares criméens font constamment face à des mauvais traitements et discriminations. Ils constituent une minorité originaire de Turquie avec une différente croyance religieuse et ethnicité. Ils sont catégorisés comme population autochtone dans la région. Cette année, une loi a été promulguée en Ukraine pour protéger ce groupe des persécutions auxquelles ils font face en Crimée et en Ukraine orientale.
Les pays invitent également la Fédération de Russie à respecter les obligations internationales imposées par le Protocole de Minsk de 2015. L’accord a été promulgué et signé en février 2015 et a établi un cessez-le-feu avec un relâchement immédiat des otages et des individus illégalement détenus, afin d’assurer le contrôle de la situation à la frontière entre l’Ukraine et la Russie et d’éliminer les groupes armés illégaux. Il a été signé par la Fédération de Russie, l’Ukraine, la République Populaire de Donetsk (DPR) et la République Populaire de Louhansk (LPR). L’objectif premier de cet accord est d’établir une communication pacifique, la paix et la démocratie dans la région du Donbass. Selon les différents rapports thématiques et toutes les déclarations faites par les délégations, il est clair que la Russie ne respecte pas ses obligations.
Tout comme la plupart des Etats, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont insisté sur le besoin d’une enquête correcte et de mécanismes de responsabilité. Certaines délégations ont souligné la nécessité pour le Conseil de se concentrer sur une mode de fonctionnement coopératif avec la communauté internationale. Avant tout, les délégations ont rappelé au Conseil un point crucial : la Russie est un parti du conflit et non un médiateur.
La Biélorussie a également pris part au dialogue. En tant que gouvernement allié de long terme à la Russie et non-membre de la CEDH, la délégation a majoritairement considéré la mission du HCDH comme inefficace. De plus, elle a dénoncé le fait que le gouvernement ukrainien n’implémentait pas lui-même la majorité des recommandations du Conseil, et que ses autorités pratiquaient une discrimination constante à l’égard des natifs russes de Crimée et du Donbass. En outre, elle a demandé une enquête et un processus de responsabilisation correct à la suite du massacre d’Odessa en 2014.
Enfin, les violations du droit d’expression et du droit de réunion pacifique ont été mises en avant.
Dans une région où les individus sont arbitrairement emprisonnés pour avoir dénoncé les crimes et mauvaises actions du gouvernement, il est clair que la majorité des citoyens, à échelle régionale, s’abstiennent désormais d’exprimer leurs pensées ou de protester au risque d’être détenus sur la base d’opposition politique.
i. Tensions entre les délégations ukrainiennes et russes
Contrairement à la plupart des dialogues interactifs sur des présentations orales, et particulièrement avec la montée de la pandémie de la COVID-19 où tous les sièges du Conseil sont vides et où les déclarations sont faites par vidéo, cette réunion a été très vive, et des tensions se sont fait sentir entre les délégations russes et ukrainiennes. Dès que le Conseil a diffusé la déclaration vidéo de la Fédération de Russie, le délégué ukrainien siégeant au Conseil a brusquement pris la parole. Le représentant a demandé de ne pas diffuser la déclaration puisque cela reviendrait à une claire violation des résolutions 68 et 62 de l’AGNU sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine et de la résolution 75/192 adoptée l’an dernier. Il a déclaré que « les organes et les fonctionnaires de la Fédération de Russie établis en Crimée sont illégitimes et devraient être renvoyés. » Par conséquent, il a réitéré que selon les règles de procédure du Conseil, « Une prise de parole de la part de la Russie constituerait une claire violation des résolutions de l’AGNU dont le Conseil de Sécurité est une partie auxiliaire. ». Soulignant l’implication de la délégation russe dans les agressions contre l’Ukraine, le délégué a insisté auprès de la vice-présidente, Mme Keva Lorraine Bain, pour qu’elle refuse à cette délégation la possibilité de prendre la parole au Conseil. Le représentant a déclaré, alors que la vidéo reprenait, que « ce dont nous sommes témoins aujourd’hui est une manifestation d’une tentative continuelle de la Fédération de Russie de porter atteinte à la souveraineté et l’intégrité territoriale de notre pays […] afin de saper les institutions internationales et d’utiliser l’ONU comme un outil dans cet acte malveillant. ».
La vidéo a été coupée de nombreuses fois par les délégations. En dépit des demandes, le Conseil a encore insisté pour diffuser la déclaration, en conformité avec la règle spéciale 100 des règles de procédure, qui postule que ni la délégation ni le secrétariat n’ont le mandat pour censurer l’accréditation des délégations des États Membres du Comité de l’ONU. Il appartient à chaque État de désigner les membres de sa délégation. Tout en étant coupée à plusieurs reprises par l’Ukraine, la Fédération de Russie, dans sa déclaration, rejette clairement la faute sur l’Ukraine pour avoir violé la liberté de croyance, privant les individus de leurs racines autochtones. Elle a condamné les actions de l’Ukraine utilisées comme un outil de destruction des institutions des droits de l’homme. Enfin, le Représentant demande au CDH et à l’Ukraine de garantir un statut régional ou national aux langues des minorités et de protéger les langues des Tatares criméens ainsi que les droits des populations russophones.
En conséquence, le représentant ukrainien siégeant à Genève a rejeté et condamné les actions du Conseil, ayant accepté la diffusion de la vidéo. Il a qualifié cet acte de violation claire des résolutions de l’AGNU. Il exprimera ses protestations dans une note verbale distribuée à tous les Membres et observateurs du CDH en tant que document officiel de l’ONU.
ii. La Commission des droits de l’homme du Parlement ukrainien
En tant que pays concerné, la Commission des droits de l’homme du Parlement ukrainien a pris la parole, s’étendant sur les violations spécifiques des droits de l’homme en Crimée et en Ukraine orientale. Depuis le début du conflit, les quatre Conventions de Genève ont été violées. Les protagonistes n’ont jamais pleinement respecté les droits des civils ni, agit en conformité avec les lois humanitaires internationales pour les pouvoirs d’occupation. Plus de 50 000 citoyens ukrainiens ont fui la péninsule, la majorité d’entre eux étant des Tatares criméens. En conséquence, nous assistons encore aujourd’hui à l’éloignement et à la déportation des Tatares criméens par la Fédération de Russie, une minorité faisant constamment face aux violations de leurs droits fondamentaux et libertés sous la CEDH dont la Russie fait partie. Des violations alarmantes de l’Article 10 de la CEDH sur la liberté d’expression sont régulièrement signalées ; pendant ce temps, la Fédération de Russie ignore complètement les demandes de tous les organismes internationaux, même de la part de la Cour Internationale de Justice (CIJ). En outre, la Fédération continuée de déployer davantage de troupes aux frontières et dans la péninsule, violant ainsi le Statut de Rome.
iii. La société civile
La participation de la société civile est restée relativement légère pendant ce dialogue interactif ; mais certains points importants ont tout de même été soulevés. Tout comme avec les délégations, certaines violations récurrentes des droits de l’homme ont été mises en avant, tel que la détention arbitraire, les mauvais traitements, la censure de la liberté d’expression, les violences sexuelles et domestiques, les violations du droit humanitaire, les disparitions forcées et, plus important encore, l’accès restreint au HCDH pour qu’il puisse mener à bien sa mission de surveillance.
La Famille Baptiste Mondiale a insisté sur la protection des minorités religieuses, spécifiquement l’Eglise Orthodoxe, l’Islam et les Témoins de Jéhovah, qui représentent les trois religions les plus ciblées de la région. Le Bureau International Catholique de l’Enfance a souligné le besoin de protéger les enfants de chaque côté du conflit ainsi que l’importance d’adopter des mesures concrètes pour traduire le cadre normatif de la loi internationale. La Commission Internationale de Juristes a exposé les effets du système incohérent actuellement en place. Ainsi, le système ignore complètement l’indépendance du pouvoir judiciaire – un élément crucial d’une démocratie bien établie.
Plus important encore, le Conseil International des Compatriotes Russes a apporté des arguments et des condamnations contre l’Ukraine lors de sa déclaration. L’organisation clame que les procédures engagées contre des ressortissants russes en Ukraine n’ont aucun fondement juridique. Elle a également critiqué l’ONU sur son mandat de protection des droits de l’homme, déclarant que rien de ce qui est décrit ne se produit réellement sur le sol ukrainien, et demande au Conseil de mener des enquêtes appropriées.
Réponse du Haut-Commissaire sur les droits de l’homme
Conformément à tous les travaux du Conseil dans le cadre d’un dialogue interactif, la Haut-Commissaire adjointe pour les droits de l’homme, Mme Nada Al-Nashif, a pris la parole pour répondre à diverses questions soulevées par les délégations et la société civile et annoncer ses remarques finales.
i. Les accès en ce qui concerne la mission d’observation
Tout comme au début de la réunion, la Haut-Commissaire a clairement expliqué que le HCDH continue de rechercher un accès à des informations « sûres et irréfutables » à travers un dialogue clair avec toutes les parties impliquées. Cependant, la Fédération de Russie reste silencieuse à ce sujet, et sans le consentement du gouvernement, l’accès physique au terrain reste restreint. Mme Al-Nashif encourage tous les pays de la communauté internationale à utiliser leur influence. Compte tenu de la politisation du conflit, les droits de l’homme apparaissent toujours comme une question mineure aux yeux de la Fédération de Russie.
ii. La liberté d’expression, d’opinion, le droit d’assemblée pacifique et d’association sont sujets à des restrictions
La législation internationale sur les droits de l’homme garantie toutes ces libertés, et une restriction de ces libertés ne peut être justifiée que si nécessaire et proportionnelle. En ce qui concerne la Crimée et l’Ukraine orientale, nous sommes témoin d’une violation des lois internationales. La Fédération de Russie a même récemment émis des avertissements à l’intention des participants potentiels à ce que le gouvernement qualifie d’assemblées illégales, entraînant des sanctions et des poursuites pénales.
iii. La voie diplomatique et le recours à la communauté internationale
Madame la Haut-Commissaire a réitéré le devoir de la communauté internationale d’exercer son influence pour aider et convaincre la Russie de mettre un terme à ses actions. La publicité et l’augmentation de la sensibilisation générale sur le sujet représentent des outils potentiels dans le combat contre de tels crimes au niveau international. En outre, le gouvernement ukrainien a accepté plusieurs recommandations et a adapté son cadre législatif, mais une plus grande assistance technique de la part de pays tiers peut toujours accélérer ce processus. L’utilisation des chaînes de communication est vitale.
iv. La COVID-19 et les droits de l’homme
En décembre dernier, le HCDH a identifié plusieurs problématiques critiques en matière de droits de l’homme concernant l’impact de la pandémie dans les régions susmentionnées. Le manque de mécanismes de responsabilité doit être abordé ; dans une zone déjà en crise, une montée des décès dus à la COVID-19 est presque inévitable. La Commissaire a appelé le gouvernement ukrainien à signer la loi levant la responsabilité administrative de tous les civils traversant les frontières d’un territoire contrôlé par des forces armées à un territoire contrôlé par un gouvernement afin d’obtenir des soins de santé convenables. L’impact du virus est surveillé à distance, et des rapports ont même montré que la pandémie était utilisée comme un outil par la Fédération de Russie pour prolonger les détentions. La situation à ce sujet ne s’améliore pas, et un accès direct au terrain pour tous les travailleurs humanitaires améliorerait le problème.
v. Les rapports et le massacre d’Odessa
Enfin, la Commissaire a conclu en répondant à la question posée par la délégation biélorusse sur les problématiques de signalement et sur les atrocités ayant eu lieu à Odessa en 2014. A ce sujet, le HCDH a réalisé plus de trente et un rapports sur la situation des droits de l’homme, neuf rapports thématiques, et deux rapports dédiés au conflit depuis son commencement. Contrairement à ce que les délégations ont déclaré, le gouvernement ukrainien a été extrêmement coopératif. Le pays a implémenté plus de 69% des recommandations du Conseil et des divers comités. Le suivi de la situation sur le terrain a bien lieu en Ukraine ; seule l’approbation de la Fédération de Russie est en attente et, par conséquent, empêche le bureau d’exercer correctement son mandat.
Concernant le massacre d’Odessa, les autorités continuent leurs enquêtes, et les procédures sont menées à bien dans le plein respect du droit international. En dépit de cela, les progrès ne se sont pas encore fait sentir, mais les acteurs concernés s’efforcent toujours de faire en sorte que tous les responsables répondent de leurs actes.
Observations finales
Geneva International Center for Justice accueille avec satisfaction les progrès faits par les autorités ukrainiennes dans le territoire contrôlé par le gouvernement depuis le début du conflit en Ukraine orientale et dans la République Autonome de Crimée. En outre, GICJ félicite la coopération essentielle entre l’Ukraine et le HCDH pour permettre à ce dernier de conduire des missions d’observation afin de protéger les civils, et d’enfin mettre un terme au conflit. L’adoption d’une nouvelle loi visant à protéger les peuples autochtones représente très certainement un immense pas vers la protection des Tatares criméens contre la discrimination et toutes autres formes de violations des droits de l’homme dont ils s’ont victimes depuis plusieurs années.
GICJ désapprouve les violations constantes des droits humains et humanitaires de la part de la Fédération de Russie et des groupes séparatistes, ainsi que leur manque de coopération avec l’ONU. Les pratiques de détention arbitraire, de mauvais traitements, de torture et de disparitions forcées ne devraient avoir lieu sous aucune circonstance, qu’elles soient motivées par des raisons politiques ou par des différences ethniques ou religieuses, car elles constituent des violations de tous les droits fondamentaux proclamés par la Charte de l’ONU. La politique ou les religions se trouvent souvent à la racine des conflits dont les majeures victimes sont des civils.
GICJ accueille avec satisfaction la coopération internationale et la communication globale entre toutes les parties prenantes à tous les conflits et au sein de la communauté internationale. Il est urgent d’agir afin de mettre un terme au conflit entre la Russie et l’Ukraine qui a trop duré.
Read in English : https://www.gicj.org/conferences-meetings/human-rights-council-sessions/discussion-reports/2126-hrc47-id-hc-oral-presentation-ukraine-interim-report-sg-crimea
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