Recensement de la population en Irak : objections internationales et préoccupations locales
Traduit par Hind Raad Gathwan /GICJ
Le gouvernement irakien a annoncé l’instauration d’un couvre-feu total à travers le pays à partir de minuit le 19 Novembre jusqu’à la fin de la journée du 20 Novembre 2024, afin de mener à bien le recensement national de la population, le premier du genre depuis 1978. Cette initiative intervient après des préparatifs approfondis, incluant des visites de terrain réalisées par des équipes spécialisées. Les autorités espèrent que ce recensement fournira des données précises pour aider à la planification dans le futur.
Objections à la méthodologie et préoccupations démographiques
The Geneva International Centre for Justice (GICJ) a reçu de nombreuses déclarations et appels exprimant une vive inquiétude face à ce qui est décrit comme une politique systématique, mise en œuvre depuis 2003, visant à marginaliser la population sunnite et à imposer des changements démographiques incompatibles avec la réalité. Selon les rapports, plus de cinq millions de personnes déplacées provenant de régions majoritairement sunnites sont largement exclues du recensement, faute de mesures complètes pour les prendre en compte.
Par ailleurs, des craintes persistent quant à l’inclusion potentielle d’un grand nombre de résidents non irakiens, en particulier ceux qui se sont installés en Irak après l’invasion américaine. Cela pourrait entraîner des changements démographiques susceptibles de modifier l’équilibre de la population du pays sur des bases confessionnelles.
Exclusion dans le cadre du système de quotas
Depuis 2003, le système politique irakien repose sur des quotas confessionnels, les principales positions de l’État étant réparties entre les Kurdes (présidence), les chiites (premier ministre) et les sunnites (président du parlement). Cette répartition s’étend aux postes administratifs et financiers, jusqu’au niveaux les plus bas.
Selon la Division de la population des Nations unies, un recensement est un processus exhaustif de collecte, de classification et de publication de données démographiques, économiques et sociales. Dans son rapport du 18 Septembre 2024 (CERD/C/IRQ/CO/26-27), le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale a averti que l’exclusion de la catégorie “secte” du formulaire de recensement pourrait conduire à une représentation inexacte de la réalité démographique de l’Irak.
Le comité a exhorté le gouvernement irakien à inclure des statistiques complètes et détaillées dans le recensement de 2024, couvrant la composition ethnique et religieuse, en respectant le principe d’auto- identification, et en fournissant des données sur les minorités, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les apatrides. L’objectif est de créer une base de données permettant de surveiller l’égalité dans la jouissance des droits.
Déplacements et changements démographiques
Au fil des années, The Geneva International Centre for Justice (GICJ) et d’autres organisations internationales ont documenté des campagnes militaires visant principalement des zones sunnites sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Ces campagnes ont entraîné un déplacement massif et une migration des résidents. Parallèlement, de nouveaux groupes se sont installés dans les zones abandonnées par les populations déplacées, créant une réalité démographique qui ne reflète pas la répartition initiale de la population.
Le GICJ et d’autres organisations estiment que l’insistance des autorités à exclure la catégorie “secte” du recensement, bien que le système politique soit confessionnel, ainsi que l’exclusion des personnes déplacées à l’étranger, soulèvent de sérieuses interrogations sur les objectifs réels du recensement. Ce processus se déroule dans un contexte d’instabilité persistante dans le pays, avec des plaintes d’officiels irakiens concernant des problèmes techniques dans le système électronique du recensement.
Par conséquent, les craintes d’un plan visant à consolider des proportions démographiques qui ne reflètent pas la réalité — des proportions imposées par les interventions internationales en Irak — trouvent une compréhension internationale plus large que jamais auparavant.