Par Shyla Gheek / GICJ

Traduit par Hind Raad Gathwan /GICJ

La guerre à Gaza a provoqué le déplacement de plus de 1,9 million de personnes. Depuis le 7 Octobre 2023, des déplacements forcés internes et externes se sont produits, parfois à plusieurs reprises, dans la bande de Gaza, alors que les habitants cherchent refuge pour échapper à la violence. De nombreuses histoires de familles déplacées témoignent de l’angoisse vécue par les habitants de Gaza, comme celle de Sabreen Lushan, une Palestinienne qui a été contrainte de se déplacer 14 fois en une seule année. Ces déplacements répétés illustrent l’instabilité incessante et les traumatismes auxquels sont confrontées les familles constamment menacées.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies a rapporté qu’environ 1,2 million de personnes sont déplacées à l’intérieur du territoire et sans abri, tandis que 180,700 personnes ont trouvé refuge dans 978 centres d’accueil, dont 775 sont déjà saturés.

La question des réfugiés dépasse les abris construits à l’intérieur de l’État et dépend également des efforts et de l’assistance des pays frontaliers et d’autres nations. Le président palestinien a déclaré que le monde entier devait assumer la responsabilité du sort des populations de Gaza et de la Cisjordanie. Des États comme l’Égypte, la Jordanie et le Liban ont accueilli des vagues de réfugiés palestiniens lors des conflits précédents en 1948 et 1967, offrant refuge à ces populations. Cependant, les dynamiques géopolitiques actuelles, les pressions internes et la limitation des ressources rendent de plus en plus difficile l’accueil de nouveaux afflux de personnes déplacées dans ces pays.

Cette crise des réfugiés en constante évolution met en lumière non seulement le coût humain du conflit, mais aussi la pression croissante exercée sur les pays voisins et la communauté internationale. La complexité de cette situation réside non seulement dans l’urgence de fournir une aide immédiate, mais aussi dans l’impasse géopolitique persistante autour du sort du peuple palestinien.

Contexte

Le déplacement est une réalité trop familière pour le peuple palestinien. Cette expérience est profondément enracinée dans son histoire, et la crise actuelle fait écho à la dépossession massive des Palestiniens en 1948. La création d’Israël a été marquée par une violence significative, entraînant le déplacement à grande échelle de la population arabe. Cette année-là, des centaines de milliers de Palestiniens ont été contraints de quitter leurs foyers lors d’un événement connu sous le nom de Nakba, qui signifie « catastrophe » en arabe. La Nakba a eu des répercussions durables sur des générations, marquées par la perte de leurs maisons, de leurs terres et de leur identité.

Le 17 mai 2024, le président du Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, Cheikh Niang, a déclaré que la Nakba de 1948 et la Nakba actuelle à Gaza ne sont pas deux événements distincts. La nature prolongée de ce déplacement met en évidence la persistance de la crise et les immenses défis auxquels le peuple palestinien est confronté dans sa quête de stabilité et de justice.

Avec la perte de leur foyer, de leur pays et de leur identité, ces réfugiés ont migré vers des terres étrangères et y sont restés. Au fil des ans, les pays limitrophes de la Palestine ont partagé la responsabilité de soutenir les Palestiniens déplacés et d’alléger le fardeau de cette crise des réfugiés. On dénombre 2,5 millions de réfugiés palestiniens, dont la majorité vit dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Environ 6 millions de réfugiés palestiniens sont dispersés dans la région, principalement en Égypte, en Jordanie, en Syrie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Près d’un tiers de ces réfugiés vivent dans 58 camps reconnus de réfugiés palestiniens situés en Jordanie, au Liban, en Syrie, dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. La plupart des réfugiés résident dans ces camps depuis des décennies, où ils ont trouvé refuge, et bénéficient du soutien de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), fondé en 1949. Cet organisme joue un rôle essentiel en fournissant des services et une assistance indispensables aux Palestiniens déplacés.

Rôle de l’UNRWA

Les Nations Unies jouent un rôle crucial dans la réponse aux besoins des réfugiés palestiniens, principalement à travers l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). La responsabilité de l’UNRWA dans les camps de réfugiés palestiniens se limite à la fourniture de services et à la gestion de ses installations. Les camps de réfugiés palestiniens sont des parcelles de terrain allouées par les gouvernements hôtes, principalement dans la région du Golfe, pour accueillir les réfugiés et leur offrir les infrastructures nécessaires. L’UNRWA n’est ni propriétaire ni gestionnaire des camps et n’en assure pas la sécurité, ces responsabilités incombant aux autorités des pays hôtes.

L’UNRWA soutient environ 6 millions de Palestiniens et constitue la principale organisation humanitaire à Gaza. L’agence emploie plus de 30 000 Palestiniens, contribuant ainsi à l’économie locale tout en fournissant des services essentiels à la population réfugiée.

António Guterres, le Secrétaire général des Nations Unies, a déclaré avec force que le Moyen-Orient est une poudrière avec de nombreuses parties tenant l’allumette. Au cours des dernières années, l’une des principales manières dont de nombreux États ont aidé les réfugiés palestiniens a été par le financement de l’UNRWA. En 2022, les principaux donateurs de l’UNRWA étaient les États-Unis, l’Allemagne, l’Union européenne, la Suède, la Norvège, le Japon, la France, l’Arabie saoudite, la Suisse et la Turquie. Fait marquant, à la fin de janvier 2024, l’UNRWA a été confrontée à d’importants défis de financement. Des allégations selon lesquelles 12 membres du personnel de l’UNRWA auraient été impliqués dans l’attaque du 7 octobre 2023 contre Israël ont conduit à la suspension des fonds de plusieurs contributeurs clés, notamment les États-Unis, l’Allemagne et la Suisse, suivis par le Canada en mars 2024. Phillipe Lazzarini, le responsable de l’UNRWA, a considéré cette décision comme une « punition collective supplémentaire » pour les Palestiniens.

Les coupes budgétaires à l’UNRWA ont eu un impact profond sur les réfugiés palestiniens, réduisant considérablement leur accès à des services essentiels tels que les soins de santé, l’éducation et l’aide alimentaire. En tant que principal fournisseur humanitaire pour des millions de Palestiniens, ces réductions ont entraîné des classes surchargées, des pénuries de fournitures médicales et des services sociaux limités dans les camps de réfugiés. La pression financière a également mis en péril les efforts de secours d’urgence, rendant de nombreuses familles encore plus vulnérables face à un conflit et à un déplacement permanents. Ces réductions d’aide aggravent les conditions de vie déjà désastreuses des réfugiés, approfondissant encore leurs difficultés.

Politiques en matière de réfugiés : assistance et hésitation

Jordanie
La Jordanie joue un rôle majeur dans l’accueil des réfugiés palestiniens, avec environ 2,4 millions d’individus enregistrés—soit près de la moitié de la population totale de réfugiés palestiniens—résidant sur son territoire. Cela fait de la Jordanie le pays abritant le plus grand nombre de réfugiés palestiniens. Environ 20 % de la population jordanienne est d’origine palestinienne, et de nombreux individus détiennent des droits de citoyenneté complets.

De plus, la Jordanie a réalisé des avancées notables dans le respect des principes établis par les États arabes en 1965, qui affirmaient que les Palestiniens devaient bénéficier de droits comparables à ceux des citoyens de leurs pays hôtes.

Pour de nombreux réfugiés en Jordanie, les camps étaient perçus comme une solution temporaire, avec l’espoir de retourner dans leur patrie toujours profondément ancré. Cependant, la situation des réfugiés palestiniens en Jordanie s’est intensifiée après la guerre du Moyen-Orient de 1967, au cours de laquelle environ 300 000 Palestiniens ont fui vers le pays, principalement en provenance de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Actuellement, l’UNRWA fournit des services à 10 camps de réfugiés en Jordanie, répondant aux besoins de ces populations déplacées.

Cependant, le pays a récemment refusé d’accepter de nouveaux réfugiés, une décision fondée sur des préoccupations selon lesquelles Israël pourrait chercher à mettre en œuvre une expulsion permanente des Palestiniens, sapant ainsi les revendications des Palestiniens pour l’établissement d’un État. Ce scénario complexe souligne la position centrale mais précaire de la Jordanie dans la crise persistante des réfugiés palestiniens, laissant des milliers de Palestiniens à la frontière de leur État, sans endroit où se réfugier et se sentir en sécurité.

Égypte
En tant que premier pays arabe à établir la paix avec Israël, l’Égypte a historiquement joué un rôle significatif dans la médiation entre Israël et les factions palestiniennes, notamment lors des conflits à Gaza. Le corridor de Rafah a servi de voie vitale pour la livraison d’aide humanitaire à Gaza depuis le début du conflit.

Cependant, l’Égypte est confrontée à ses propres défis, luttant actuellement contre une crise économique spirale tout en accueillant environ 9 millions de réfugiés et de migrants. Récemment, le Président égyptien a exprimé des préoccupations concernant la guerre en cours, affirmant que le conflit semble viser non seulement à combattre le Hamas, qui gouverne la bande de Gaza, mais aussi à pousser les civils à migrer vers l’Égypte. Cet afflux potentiel soulève des inquiétudes pour Le Caire, qui ne souhaite pas aggraver une situation sécuritaire complexe dans une région volatile. De plus, tout comme d’autres pays du Golfe, l’Égypte tient à éviter d’être perçue comme complice de ce que certains observateurs décrivent comme un nettoyage ethnique à Gaza.

Bien que l’Égypte ait refusé d’accepter officiellement des réfugiés en provenance de la bande de Gaza, plus de 100,000 Palestiniens ont franchi la frontière vers le pays depuis le début de l’offensive israélienne, qui a suivi l’attaque du Hamas le 7 Octobre 2023. De nombreuses personnes se trouvent dans une situation unique : bien qu’elles aient réussi à entrer en Égypte, elles ne sont pas formellement classées comme réfugiés, ce qui les rend inéligibles à la plupart des formes d’aide internationale. Cela les laisse coincées dans un pays étranger, sans statut de réfugié ni l’assistance critique et le soutien dont elles ont besoin.

Liban
Le Liban a connu plusieurs vagues de réfugiés palestiniens, ce qui a donné lieu à une population apatride d’environ 270,000 individus vivant dans 12 camps dispersés à travers le pays. L’UNRWA offre un soutien et des services vitaux au sein de ces camps.

Malgré la fourniture d’un refuge, les Palestiniens au Liban subissent une discrimination systémique, et la communauté, ainsi que ses dirigeants, font constamment face à la menace d’attaques israéliennes. Israël a élargi la guerre au Liban à la veille du premier anniversaire de la guerre en Palestine, augmentant ainsi la peur de fournir refuge au peuple palestinien.

Geneva International Centre for Justice (GICJ) exhorte la communauté internationale à donner la priorité aux besoins urgents des réfugiés palestiniens face aux circonstances dévastatrices auxquelles ils sont confrontés. Comme l’a souligné le Secrétaire général, « face à des conditions catastrophiques, l’UNRWA préserve » les opérations humanitaires essentielles à Gaza. Cependant, de nombreux objectifs humanitaires restent non atteints en raison d’un financement insuffisant. L’UNRWA est l’épine dorsale de ces opérations, et les États membres doivent fournir les ressources nécessaires pour garantir son bon fonctionnement.

Nous appelons tous les États membres de l’ONU à ouvrir leurs frontières, à fournir un financement adéquat à l’UNRWA et à aider au mouvement sécurisé des réfugiés. En prenant ces mesures essentielles, la communauté internationale peut démontrer son engagement à répondre à la crise humanitaire et à soutenir les droits et la dignité de la population palestinienne.

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