Le 20 février 2024, la Cour Internationale de Justice a poursuivi ses audiences avec les délégations des pays suivants : Afrique du Sud, Algérie, Arabie saoudite, Pays-Bas, Bangladesh, Belgique, Belize, Bolivie, Brésil, Canada et Chili, en réponse à une demande de l'Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) concernant les questions relatives au territoire palestinien occupé. La CIJ s'est notamment penchée sur les questions suivantes :

Quelles sont les conséquences juridiques de la violation permanente menée par Israël contre les droits du peuple Palestinien et leur détermination, de son occupation prolongée, de la colonisation et de l'annexion du territoire palestinien, occupé depuis 1967, y compris les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de Jérusalem, et  l'adoption Israëlien des lois et son mesures discriminatoires correspondant?"et "(b) Comment la politique et pratiques d'Israël mentionnées au paragraphe 18 (a) ci-dessus affectent-elles le statut juridique de l'occupation, et quelles sont les conséquences juridiques qui se posent pour tous les pays et les Nations Unies ?

Afrique du Sud

L'Afrique du Sud a présenté le premier argument de l'audience. L'ambassadeur Vusi Madonsela s'est adressé à la Cour en déclarant que la politique étrangère de l'Afrique du Sud plaide depuis longtemps en faveur d'une solution à deux États en Palestine, mais que les conditions actuelles nécessitent une solution qui réponde aux injustices fondamentales auxquelles est confrontée la population palestinienne. Comme souligné par Afrique du Sud, pour atteindre un accord équitable il faut rassembler l’assistance internationale et une qualification juridique claire du régime d'Israël sur son occupation palestinienne. Le retard prolongé dans la recherche d’une solution équitable a perpétué un cycle de violence, soulignant la nécessité urgente d'agir.

L'ambassadrice Madonsela a rappelé à la Cour que les récentes soumissions juridiques de l'Afrique du Sud avaient mis en évidence la sévérité de la situation, en soulignant la violation persistante du droit international par Israël et son impact dévastateur sur la vie des Palestiniens. Établissant des parallèles avec sa propre histoire d'apartheid, l'Afrique du Sud affirme que les politiques et pratiques discriminatoires du régime israélien sont l'écho d'une forme plus extrême d'apartheid.

Malgré un arrêt clair de la Cour, il y a dix-neuf ans, appelant au démantèlement du mur de ségrégation construit par Israël dans le territoire palestinien occupé, les Palestiniens continuent d'endurer des politiques discriminatoires et une violence systémique. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, les Palestiniens sont victimes d'arrestations arbitraires, de détentions illimitées sans procès et d'un double système juridique qui les prive des droits et protections fondamentaux. Pendant ce temps, à Gaza, les Palestiniens vivent sous un siège permanent, privés de ressources essentielles et soumis à des assauts incessants. L'Afrique du Sud a incité la Cour à reconnaître la discrimination institutionnalisée imposée par Israël comme constituant l'apartheid et a appelé à une action décisive pour mettre fin au cycle de la violence et parvenir à un règlement équitable. Alors que la communauté internationale est témoin des atrocités commises à Gaza et ailleurs, on ne pourrait exagérer sur la nécessité urgente de responsabilité et de justice.

Le peuple palestinien doit pouvoir exercer son droit à la liberté

Le deuxième orateur pour l'Afrique du Sud, M. Pieter Andreas Stemmet, a pris la parole et a déclaré que l'occupation et l'annexion persistantes par Israël sur la territoire Palestinien depuis la guerre Israélo-Arabe de 1967 représentaient une grave violation du droit des Palestiniens à l'autodétermination, un principe fondamental du droit international. Il a réaffirmé que la construction et l'expansion des colonies, en violation du droit international, non seulement portent atteinte à l'intégrité territoriale des Palestiniens, mais constituent également un déni de leur droit à l’autonomie. En outre, l'administration israélienne du territoire occupé, marquée par des lois et des pratiques discriminatoires, exacerbe encore la violation des droits des Palestiniens. Comme souligné par l'Afrique du Sud, les actions exercées de la part de la puissance occupante contreviennent à des multiples normes du droit international, y compris les interdictions d'annexion, d'apartheid et de génocide. Andreas Stemmet a ensuite conclu que la perturbation de l'intégrité territoriale palestinienne résultant des colonies israéliennes et de l'annexion de certaines parties du territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, constitue une violation flagrante du droit Palestinien à l'autodétermination tel qu'il est énoncé dans la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale de 1960.

"Toute tentative visant à perturber partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies.”

Arabie Saoudite

Dans la déclaration écrite fournie à la Cour, le Royaume d'Arabie Saoudite affirme que la Cour internationale de justice (CIJ) est compétente pour émettre un avis sur la récente augmentation de la violence et de la destruction par Israël dans le territoire palestinien occupé. Le Royaume s'oppose aux revendications selon lesquelles l'émission d'un tel avis pourrait influencer les négociations en cours pour résoudre le conflit israélo-palestinien. M. Ziad Al Atiyah, représentant de l'Arabie saoudite, a souligné que la Cour avait déjà examiné des questions similaires et qu'il convenait de faire preuve de retenue à l'égard de la demande d'orientation formulée par l'Assemblée générale. En outre, le Royaume a déclaré que les actions d'Israël en matière d'annexion de territoires, d'expansion des colonies et d'obstruction à la création d'un État palestinien cohésif, démontrent le manque d'engagement d'Israël à l'égard de véritables négociations de paix.

L'avis consultatif ne portera pas préjudice au processus de négociation visant à résoudre le conflit israélo-palestinien.

Le Royaume d'Arabie saoudite affirme que la Cour internationale de justice (CIJ) est compétente pour rendre son avis sur les questions posées, soulignant qu'il n'y a pas de raisons impérieuses pour que la Cour s'abstienne de le faire. L'Arabie saoudite a répondu aux arguments opposés, en particulier ceux suggérant que l'avis pourrait interférer avec les négociations en cours ou que le différend est bilatéral et ne relève donc pas de la compétence de la Cour, le Royaume les rejette comme non fondés. Il affirme que de telles affirmations ont été systématiquement rejetées par la CIJ dans des situations analogues, en se référant aux décisions antérieures de la Cour, y compris l'avis consultatif sur le mur. En outre, ils réfutent les allégations selon lesquelles l'émission d'un avis consultatif porterait préjudice aux processus de négociation, soulignant l'absence de fondement juridique de telles affirmations et rappelant la pratique établie de la Cour consistant à fournir des orientations à la demande de l'Assemblée générale.

Ils ont conclu par insister que la Cour internationale de Justice doit déclarer explicitement l'illégalité de l'occupation Israélienne des territoires palestiniens. Également comme le Royaume d'Arabie Saoudite, de nombreux autres États ont profondément exposé dans leurs observations écrites les responsabilités juridiques découlant des violations commises par Israël. Citant l'article 30 des articles sur la responsabilité des États et s'appuyant sur les orientations fournies par la Cour dans l'avis consultatif sur le mur, Israël doit mettre fin à son comportement illicite, rétablir le respect de ses obligations et fournir des assurances et des garanties appropriées de non-répétition. En outre, les articles 31 et 36 exigent qu'Israël fournisse des réparations complètes pour les dommages considérables causés au cours des décennies d'occupation illégale. Une telle déclaration de la Cour ne ferait pas qu'affirmer les principes du droit international, mais marquerait également une étape cruciale dans la réparation des injustices subies par le peuple palestinien.

Geneva International Centre for Justice (GICJ) continue de suivre de près les procédures de la CIJ concernant le territoire palestinien occupé avec un engagement pour la justice et les droits de l'homme. Nous reconnaissons l'importance des audiences publiques de la CIJ dans les procédures consultatives concernant l'État de Palestine. Ces audiences représentent une étape cruciale dans la lutte contre les violations continues du droit international dans le Territoire Palestinien Occupé (TPO). GICJ demande instamment à la CIJ d'examiner attentivement les preuves présentées, en soulignant la nécessité d'une décision claire et sans équivoque concernant l'illégalité des actions d'Israël et les obligations légales de tous les États de respecter le droit international.

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