Par Ryan Whyte/GICJ

Traduit par Alexandra Guy

En Iran, une nouvelle loi criminalisant l’avortement a été adoptée, réduisant à néant des décennies de lents progrès pour les femmes iraniennes. Le 1er novembre 2021, le Conseil des Gardiens de la Constitution iranien a présenté la loi « Jeunesse et protection de la famille ». L’Iran a défendu ce projet sous prétexte d’un besoin de stimulation du taux de fécondité et du taux de croissance démographique du pays.

Le 16 novembre, plusieurs experts de l’ONU ont déclaré que cette loi anti-avortement violait sévèrement le droit international en restreignant le droit à l’avortement, à la contraception, aux services de stérilisation volontaires et aux informations relatives à ces sujets. Une des dispositions de cette loi, très vague, catégorise la pratique de l’avortement à grande échelle comme un crime de « corruption sur terre », puni de la peine de mort. 

L’adoption de cette loi en mars 2021 a marqué la fin d’une période de politiques de planning familial relativement progressistes, qui dataient de la formation de la République Islamique en 1979. Depuis 2010, 90% de la population iranienne vivait à moins de 2km d’un centre de planning familial, et des prestataires du secteur public se déplaçaient périodiquement dans les zones les plus reculées. En outre, 62% des femmes mariées utilisaient un type de contraception moderne, plaçant l’Iran en tête de tous les pays musulmans pour l’usage de la contraception. De plus, l’Iran fait partie des rares pays du Moyen Orient qui fabrique des préservatifs.

Ce changement d’attitude soudain du gouvernement pourrait donc être interprété comme une réaction spontanée et dangereuse aux statistiques de vieillissement de la population et de baisse du taux de naissance en Iran. En effet, le gouvernement attribue ces changements aux politiques contraceptives gouvernementales de ces 40 dernières années. La destruction et la criminalisation des instances de planning familial, qui étaient pourtant la norme sociale pour les Iraniennes, montre que le gouvernement ignore la gravité des conséquences qui pourraient résulter de telles actions. Selon les chiffres officiels, 300 000 à 600 000 avortements seraient pratiqués par an en Iran. De nombreuses études ont montré que la criminalisation de l’avortement et des centres de planning familial ne permet pas de réduire le nombre d’avortements, mais rend uniquement les avortements plus dangereux et létaux, car réalisés de manière clandestine.

Ce revirement est plus qu’une simple tentative pour le redressement de la croissance démographique. Il s’agit d’une nouvelle stratégie du gouvernement iranien pour restreindre les droits et libertés des femmes, notamment du droit à la vie et à la santé, les principes de non-discrimination et d’égalité, le droit à l’intégrité corporelle et au planning familial. Le maintien de la loi « Jeunesse et protection de la famille » aurait de graves conséquences sur la santé physiques des femmes avortant clandestinement ainsi que pour toute la nouvelle génération de femmes iraniennes. Si l’Etat est conservateur depuis sa création, une telle législation renforcerait le manque de protection des droits des femmes dans le système légal, et réduirait donc encore plus leur participation dans la société.

Geneva International Center for Justice (GICJ) appelle l’ONU et la communauté internationale à condamner la criminalisation de l’avortement. GICJ presse le gouvernement iranien d’abroger la loi « Jeunesse et protection de la famille » et de décriminaliser l’avortement, afin de respecter les droits fondamentaux des femmes à la vie, à la santé et à l’intégrité corporelle.

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