12.08.21

Débat annuel sur les droits des femmes

5 et 6 juillet

47ème Session du Conseil des droits de l’homme, du 21 juin au 15 juillet 2021

Par : Karin HeisenJennifer Tapia Boada, et Mélanie Ouma

 

Résumé analytique

Durant la 6ème session en 2007, le Conseil des Droits de l’Homme a décidé d’incorporer un minimum d’un jour de réunion complet par an, réservé à la discussion des droits humains des femmes dans son programme de travail, y compris les mesures pouvant être adoptées par les États et autres parties prenantes pour faire face aux violations des droits des femmes.

Durant la 44ème Session de juin 2020, le Conseil a exigé au Haut-Commissaire des Droits de l’Homme de présenter un rapport sommatif au cour de la 47ème Session du CDH durant la discussion annuelle sur les droits des femmes.

 La 47ème Session du débat annuel sur les droits des femmes du CDH a présenté deux tables rondes thématiques : la violence contre les femmes et les filles handicapées et la relance socioéconomique égalitaire entre les genres après la pandémie de la COVID-19.

La première table ronde se penchait sur les violations des droits des femmes et des filles handicapées et évaluait les bonnes pratiques dans les politiques publiques, ainsi que l’implémentation des mécanismes de prévention et des services d’intervention pour les violences genrées contre les femmes et les filles handicapées. La Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l’homme a ouvert la discussion en rappelant les expériences difficiles auxquelles les femmes et filles handicapées font face et a réitéré le besoin de mettre en lumière ces problématiques. Elle a souligné qu’afin de parvenir à une égalité des genres et à l’émancipation complète des femmes conformément à l’objectif de développement durable n°5, toute violence contre les femmes et les filles handicapées doit être éradiquée. Les intervenants suivants ont discuté du risque accru de violence de genre auquel sont exposées les femmes et les filles handicapées, ainsi que des barrières juridiques, sociales et comportementales qui contribuent à cette oppression. La violence de genre contre les femmes et les filles handicapées reste difficile à éradiquer, car elle prévaut dans tous les lieu physiques et numériques, et elle peut avoir lieux dans les foyers ou les institutions et venir de proches comme d’étrangers. Tandis ce que certains États ont fait de considérables avancées pour minimiser les risques encourus par ce groupe, la pandémie à exacerbé la violence dans la plupart des États.

La seconde table ronde a pour but de discuter des moyens concrets d’assurer que les plans de relance socioéconomique de la COVID-19 puissent assurer l’égalité des genres. La pandémie de la COVID-19 a exacerbé les inégalités socioéconomiques préexistantes, en impactant encore plus les femmes. Elle a pesé sur les secteurs économiques où les femmes sont surreprésentées et a fait baisser la participation des femmes dans la population active plus rapidement que les hommes. La recherche accrue de solutions à ce problème doit se trouver dans les priorités des politiques publiques immédiates comme de long terme. La priorité immédiate devrait être la protection des femmes travaillant dans le domaine domestique. En second lieu, le monde doit s’investir dans l’économie domestique pour corriger la sous-évaluation et le partage inégal du travail non-rémunéré. Cela peut être réalisé à travers des investissements dans les infrastructures, telles que l’expansion de l’accès à l’électricité dans les zones rurales pour aider les femmes à passer moins de temps dans le travail non-rémunéré, ou par la création de métiers domestiques stables, professionnels et payés correctement. En outre, les financements genrés peuvent démanteler les structures et les systèmes qui créent et renforcent l’inégalité des genres. Par conséquent, le poids des dettes sur les pays à faibles et moyens revenus devrait être supprimé afin de laisser ces ressources pour les services publics, la protection sociale, et le développement du secteur informel. Étant donné que l’égalité des genres est un prérequis à la réussite des politiques dans toutes les sphères de la société, les gouvernements doivent assurer leurs engagements internationaux pour l’égalité des genres en augmentant la participation des femmes dans la prise de décision à tous les niveaux et en investissant dans l’émancipation complète des femmes pendant la période de rétablissement suivant la pandémie.

Durant la 47ème session du Conseil des droits de l’homme, le Canada a soumis le projet de proposition de la Résolution 47.L.18 qui a pour but de renforcer les efforts visant à éliminer toutes formes de violence contre les femmes et les filles, ainsi que d’empêcher et de répondre à toutes les formes de violence contre les femmes et les filles handicapées. Les États Membres du Conseil des droits de l’homme ont adopté la résolution à la fin de la session sans vote.

 

Contexte

À la 6ème session, tenu entre septembre et décembre 2007, le Conseil des droits de l’homme (CDH) a unanimement adopté la résolution A/HRC/RES/6/30, nommé « Intégrer les droits humains des femmes à travers le système des Nations Unies ».

Réaffirmant l’égalité des droits entre les hommes et les femmes et l’engagement international pour l’égalité des genres et les droits humains des femmes, la résolution incorpore au moins un jour complet de réunion par an dans son programme de travail, à partir de 2008, pour discuter des femmes, et notamment des mesures qui peuvent être adoptées par les États et autres parties prenantes pour faire face aux violations de leurs droits.

En outre, durant sa 44ème session en juin 2020, le CDH a exigé au Haut-Commissaire des Droits de l’Homme (HCDH) de présenter un rapport sommatif au 47ème CDH durant la discussion annuelle de 2020 sur les droits de la femme :

Rapport du HCDH

Le passage suivant est un résumé bref du rapport du HCDH à la 47ème session du CDH durant la discussion annuelle de 2020 (A/HRC/47/44). 

Points 2 et 3 de l’agenda : selon la résolution 6/30, le Conseil des droits de l’homme a tenu sa discussion annuelle sur les droits de la femme les 13 et 14 juillet 2020, divisé en 2 tables rondes nommées « responsabilisation des femmes et des filles dans les situations humanitaires » et « COVID-19 et droits des femmes ».

Responsabilisation des femmes et des filles dans les situations humanitaires : Mme Mukanire, parlant au nom des victimes de violence sexuelle durant le conflit en République Démocratique du Congo, a souligné la façon dont les violences sexuelles détruisent tout l’être humain, entraînant des conséquences sérieuses et prolongées pour les victimes. L’État est le premier responsable dans la protection des survivants et l’accord d’une garantie de non-répétition. Elle a mis en évidence l’importance de renforcer la participation des femmes et des filles, d’identifier les problèmes auxquels elles ont fait face et de contextualiser les violations des droits humains qu’elles ont subi. En ce qui concerne la responsabilisation, elle a déclaré que les travailleurs humanitaires pourraient trouver des possibilités de changements sur le terrain, par exemple en combinant les services essentiels avec des nouvelles mesures de responsabilisation, en ajustant les régulations nationales, ou en mettant en place des structures dans le domaine de l’éducation, de la contraception et de l’information. Enfin, Mme Mukanire a affirmé que la responsabilisation devrait être associée à la prestation quotidienne de service sur le terrain.

 À la fin de la première table ronde, le modérateur a souligné le besoin urgent de continuer à discuter du lien entre les droits de l’homme et les questions humanitaires dans le débat sur la responsabilisation pour les violations des droits des femmes et des filles.

COVID-19 et droits des femmes : durant la seconde table ronde, la directrice de la Division des activités thématiques, des procédures spéciales et du droit au développement du HCDH a mis en lumière l’impact « inégal » de la pandémie de la COVID-19 sur les individus et les sociétés : les inégalités préexistantes exposaient les femmes et les filles à un risque plus élevé face à cette crise. Elle s’est référé plus spécifiquement à l’augmentation de la violence genrée, à l’accès réduit aux services de santé sexuels et génésiques et aux grossesses non désirées. De plus, elle a déclaré que la majorité des équipes nationales de direction chargées de répondre à la COVID-19 sous-représentaient les femmes, les excluant dont encore davantage du processus de prise de décision. 

La directrice a évoqué certaines stratégies visant à mieux reconstruire tout en faisant progresser l’égalité des genres, à savoir la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la plate-forme d’action de Beijing, et l’Agenda 2030 du développement durable.

Dans leurs remarques finales, les panelistes ont souligné que les femmes avaient été exposées à des violences, « car elles avaient été oubliées par le système et que les politiques n’avaient pas été renforcées ». Les panelistes ont encouragé la communauté internationale à agir ensemble avec solidarité pour assurer « qu’aucune femme ne soit laissée derrière » et pour garantir l’égal accès à leurs droits. Ils ont mis en lumière le rôle des Nations Unies et des États Membres dans l’aide à la réduction des impacts socioéconomiques négatifs. Le panel a aussi rappelé l’importance d’intégrer de nouveaux acteurs dans le système de protection internationale (tel que le secteur privé) afin d’inverser et de combattre la stigmatisation de diverses problématiques qui empêche les femmes de participer dans le processus de relance économique.

 

Dans ce contexte, la discussion annuelle de 2021 sur les droits humains des femmes s’est concentrée sur 2 tables rondes thématiques d’une durée de deux heures chacun :

  • Table ronde 1 : violence contre les femmes et les filles handicapées
  • Table ronde 2 : relance socioéconomique égalitaire entre les genres après la pandémie de la COVID-19.

 

Table ronde 1 : Violence contre les femmes et les filles handicapées – 5 juillet 2021

Genève, 5 juillet 2021- à la 21ème réunion de la 47ème session du CDH, de 10h00 à 12h00, heure locale, le Conseil a tenu la première table ronde de la discussion annuelle d’une journée entière sur les droits humains des femmes.

Le panel accueillait Nada Al-Nashif, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Ana Pelaez, vice-présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ; Mme Gulmira Kantinovna, présidente de l’Union des personnes handicapées du Kirghizstan ; et Mme Maulani A. Rotinsulu, présidente de l’association indonésienne des femmes handicapées. Mr Jarrod Clyne, Conseiller en droits de l’homme de l’International Disability Alliance, modérait la discussion.

La première table ronde de la discussion annuelle d’une journée entière visait à discuter des violations des droits humains subies par les femmes et les filles handicapées, et à évaluer les bonnes pratiques dans l’implémentation des mécanismes de prévention et la réponse à la violence genrée à leur encontre.

Pour rendre le CDH plus accessible aux personnes handicapées, le panel a offert une interprétation en langue des signes internationale et un sous-titrage en temps réel.

Mme Nada Al-Nashif, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, à délivré la déclaration d’ouverture. Mme Nada a déclaré qu’il existe 700 millions de femmes et de filles handicapées dans le monde aujourd’hui, selon ONU Femmes, et que ces femmes et filles font face à une discrimination persistante basée sur des stéréotypes et stigmates, augmentant leur risque de subir des violences genrées. Environ 40% à 68% des jeunes femmes handicapées subissent des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans. Les femmes et les filles handicapées restent largement invisibles et exclues de la participation dans la plupart des décisions concernant leurs vies, les exposant à plus de risque de violences genrées. L’accessibilité à toutes les discussions au niveau national est primordiale. Elle a ajouté que l’objectif n°5 du développement durable ne peut pas être accompli sans avoir mis fin à la violence contre les femmes et les filles handicapées et sans une approche des politiques complète, accessible et inclusive.

Mr Jarrod Clyne, Conseiller en droits de l’homme de l’International Disability Alliance, a pris la parole et déclaré que la violence implique la force physique, la contrainte légale, la coercition économique, l’intimidation, la manipulation psychologique, et l’absence de consentement libre et éclairé. Les barrières juridiques, sociales et comportementales perpétuent cette oppression et les femmes handicapées se heurtent à de nombreux obstacles pour accéder à des recours en cas de violation de leurs droits, en raison des stéréotypes qui sont à l’origine des lois discriminatoires en pratique. Il a ajouté que la table ronde est une occasion opportune de discuter des nombreuses violations subies par les femmes et les filles handicapées et d’examiner le progrès des États dans l’implémentation de leur devoir de répondre à la violence contre les femmes et les filles handicapées et d’examiner des pratiques efficaces rapidement.

Mme Ana Pelaez, Vice-présidente de la CEDAW, a encouragé les États à considérer la protection des femmes handicapées comme une priorité. Une femme sur cinq, vie avec un handicap. En effet, des études montrent que les handicaps sont plus répandus chez les femmes que chez les hommes, et ces femmes encourent un risque plus grand de violence genrée. Elle a mentionné que le Comité sur les droits des personnes handicapées déclare que les femmes ne subissent pas cette violence comme un groupe homogène, mais plutôt comme des individus aux identités multidimensionnelles. Certains groupes, comme les femmes indigènes, sont encore plus vulnérables à la violence en raison des formes de discrimination multiples et intersectionnelles. Elle a poursuivi en expliquant que les violences genrées contre les femmes et les filles handicapées peuvent se produire dans les foyers ou les institutions, des mains de membres de la famille immédiate, de personnels soignants, ou d’inconnus, dans le monde du travail et dans les espaces numériques. Les exemples sont nombreux et peuvent inclure : le trafic, la désinformation, l’abandon, l’absence de consentement libre et éclairé et la coercition légale. Elle a affirmé que malgré l’engagement international des États à respecter les droits des personnes handicapées, les mesures adoptées échouent à inclure les voix, les perspectives et les besoins des femmes et des filles handicapées dans les cadres normatifs et institutionnels, y compris au sein des mouvements de femmes.

Mme Gulmira Kantinovna, présidente de l’Union des personnes handicapées du Kirghizstan, a pris la parole pour mentionner que malheureusement, à la suite de la ratification de la Convention des personnes handicapées dans la République kirghize, peu de progrès ont été observé à ce sujet dans le pays. Elle a fait référence à une enquête qui identifiait les stéréotypes nuisibles : le grand public a répondu que les femmes handicapées devraient se marier aux hommes handicapés, mais que les hommes handicapés devraient se marier à des femmes non handicapées, car ils ne pourraient pas se reproduire autrement.

Mme Maulani A. Rotinsulu, Présidente de l’Association indonésienne des femmes handicapées, a déclaré que la pandémie avait exacerbé la violence à l’égard des femmes handicapées. Elle a affirmé que les femmes encourent un risque plus élevé de différentes formes de violence et d’exploitation, tel que les abus sexuels, ainsi que la fécondation, l’avortement et la stérilisation forcées. Une enquête en ligne réalisée en Indonésie a évalué la violence de genre comme endémique : 80% des répondants subissaient des violences régulièrement.

À la suite des présentations des panelistes, les délégations ont pris la parole. Le ministre de la Justice de Namibie a exprimé son inquiétude quant au niveau de violence disproportionné que subissent les femmes handicapées, y compris des pratiques culturelles néfastes pour ces femmes, ce qui est exacerbé par la sous-déclaration généralisée des violences à l’égard des femmes et l’absence de statistiques différenciées. La Finlande, au nom d’un groupe de pays, a déclaré que les femmes handicapées souffrent d’un accès plus limité et difficile aux services publics, et l’émergence de la pandémie les a placées dans une situation encore plus dangereuse. La Finlande et la Belgique ont encouragé les États à signer la Convention d’Istanbul pour éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles une bonne fois pour toute. L’Uruguay, au nom d’un groupe de pays, a reconnu qu’il reste un long chemin à parcourir pour éradiquer toutes les formes de violence contre les femmes handicapées. L’Australie, au nom d’un groupe de pays, a déclaré que l’égalité des genres ne sera pas obtenue tant que toutes les femmes et filles ne seront pas libérées de la violence, et que l’intersection entre le genre et le handicap doit recevoir une attention particulière. L’Azerbaïdjan, au nom du Mouvement des non-alignés et de l’Union Européenne, a appelé à renforcer les politiques publiques pour répondre à la violence à l’égard des femmes handicapées. Les Fidji ont déclaré que l’intersectionnalité de cette problématique particulière exige que les États reconnaissent la vulnérabilité des femmes et des filles handicapées. La Pologne a également souligné la nature intersectionnelle des violations des droits humains à l’encontre des femmes handicapées.

Le modérateur a ensuite donné la parole aux institutions des droits de l’homme nationales et aux organisations de la société civile. Celles-ci ont souligné les rapports alarmants montrant que les femmes ont été sévèrement affectées par la pandémie de la COVID-19 et ont appelé les États Membres de l’ONU à renforcer les systèmes de santé, les services publics, et les mécanismes de réhabilitation pour remédier au manque d’accès des femmes handicapées aux services de santé génésiques.

Dans leurs remarques finales, les panelistes ont mentionné des pratiques efficaces à ce sujet, y compris l’organisation de sessions de formation à l’intention des fonctionnaires et des membres de la société civile sur la manière d’inclure la perspective du handicap dans les politiques générales relatives aux femmes, et l’interdiction de la stérilisation forcée des femmes handicapées. Ils ont également souligné le besoin de d’obtenir un engagement plus fort de la part des responsables politiques afin de libérer les femmes handicapées de la violence et de la discrimination. Enfin, les panelistes ont exprimé que le respect des droits des femmes handicapées était une priorité.

 

Table ronde 2 : relance socioéconomique égalitaire entre les genres après la pandémie de la COVID-19 – 6 juillet 2021

Genève, 6 juillet 2021 – la seconde table ronde, à la 23ème réunion de la 47ème Session du CDH de 10h00 à 12h00, heure locale, avait pour but de discuter des moyens concrets pour que les plans de relance socioéconomique de la COVID-19 fassent progresser l’égalité des genres.

La table ronde accueillait Mr Mohammad Naciri, Le directeur d’ONU Femmes pour la région Asie-Pacifique ; Mme Maria Alesi, féministe et experte en développement venant du Ouganda ; et Mme Kateryna Levchenko, Commissaire du gouvernement pour la politique de l’égalité des genres de l’Ukraine et vice-présidente de la Commission pour l’égalité des genres du Conseil de l’Europe.

Dans son discours d’ouverture, La Haut-Commissaire des droits de l’homme de l’ONU Mme Michelle Bachelet – ravi d’aborder un sujet la tenant tant à cœur – a expliqué que la pandémie de la COVID-19 avait exacerbé les inégalités socioéconomiques préexistantes, en impactant le plus les femmes. La pandémie a lourdement impacté les secteurs économiques où les femmes sont surreprésentées, a fait décliner la participation des femmes dans la population active plus vite que les hommes, et a fait peser la charge des métiers domestiques non rémunérés sur les femmes plus que sur les hommes. En Amérique Latine et dans les Caraïbes, la COVID-19 a fait reculer l’âge moyen de la population active féminine de 18 ans.

Mme Bachelet a souligné que les femmes sont indispensables au dépassement de cette crise : leurs participation égale rend la société plus forte et résistante. Pourtant, les femmes ne représentent que 24% des membres des institutions nationales créées pour mettre un terme à la pandémie.

Le modérateur a donné la parole à Mme Mónica Zalaquett Said, ministre de la Femme et de l’Egalité de genre du Chili, qui a souligné la manière dont le gouvernement chilien répond à l’inégalité des genres en relançant son économie à travers une approche sensible aux genres. Il a créé le Conseil de la Femme de la COVID, un groupe de femmes représentantes provenant de la société civile, du monde académique, politique, et du secteur privé, qui développement des propositions de court et moyen terme pour répondre à la violence, à la situation sanitaire, à la relance économique, et au système de soins. De plus, le gouvernement a convoqué un groupe de travail nommé la Table ronde Sociale de la COVID et cherche également à aider les femmes à réintégrer la population active à travers de nombreuses subventions, lois et projets de lois couvrant leurs besoins d’accès aux soins médicaux.

Le premier paneliste, Mr Mohammad Naciri, directeur d’ONU Femmes pour la région Asie-Pacifique, a fourni des solutions pour faire face à l’insécurité économique des femmes, surtout dans le travail domestique. Prépandémie, les femmes dans plusieurs pays de la région Asie-Pacifique réalisaient déjà 11 fois plus de travail domestique non-rémunéré que les hommes, un obstacle évident à leur capacité à effectuer un travail rémunéré. La pandémie a poussé cette inégalité à un point de rupture. Mr Naciri a souligné que l’accent devait être mis sur les priorités politiques immédiates et de long terme. La priorité immédiate devrait être la protection des femmes dans les métiers domestiques, que ce soit celles sur les lignes de front ou celles effectuant un travail essentiel mais non rémunéré à la maison. Ensuite, le monde doit investir dans l’économie domestique pour rectifier la sous-évaluation et le partage inégal du travail non-rémunéré. Cela peut être réalisé à travers des investissements dans des infrastructures, tel que l’expansion de l’accès à l’électricité dans les zones rurales pour aider les femmes à passer moins de temps dans le travail non-rémunéré, ou par la création de métiers domestiques plus stables, professionnels et raisonablement rémunéré.

Ensuite, Mme Maria Alesi, féministe et experte en développement, a expliqué l’existence d’un pilier fondamental à une relance égalitaire : un financement genré. Un tel financement vise à démanteler les structures et les systèmes qui créent et renforcent les inégalités. Par conséquent, nous devons supprimer le poids des dettes sur les pays à faibles et moyens revenus afin de laisser ces ressources pour les services publics et la protection sociale qui promeuvent l’égalité des genres. Secondement, nous devons financer le secteur informel, où la pandémie a fortement impacté les femmes, à travers des prêts pour la reprise des activités et des mesures de protection sociale. Troisièmement, les responsables politiques doivent créer et implémenter des régimes d’imposition progressive, qui sont plus juste pour les individus à faibles revenus, dont la majorité sont des femmes. Quatrièmement, la gouvernance doit être responsable : si la corruption et la violence s’installent et que l’espace civique se rétrécit, les services sociaux et économiques s’effondrent, ce qui a toujours eu un impact disproportionné sur les femmes. Enfin, aucune de ces mesures ne peut être implémentée si les pays à faibles revenus continuent de bénéficier d’un accès inégalitaire aux vaccins. Mme Alesi a conclu en appelant à se concentrer sur la vie des femmes dans les pays à revenus faibles et moyens afin d’assurer une relance égalitaire entre les genres.

Mme Kateryna Levchenko, Commissaire du gouvernement pour la politique de l’égalité des genres de l’Ukraine et vice-présidente de la Commission pour l’égalité des genres du Conseil de l’Europe, a déclaré que le gouvernement ukrainien est fermement convaincu que l’égalité des genres et un prérequis à la réussite d’une politique dans toutes les sphères de la société ainsi qu’une condition clef à l’intégration européenne de l’Ukraine. Afin de mener à bien ce processus, les gouvernements doivent respecter leurs engagements internationaux en matière de droits des femmes et d’égalité des genres ; augmenter la participation féminine dans la prise de décision à tous les niveaux ; coopérer avec la société civile, particulièrement les organisations féministes ; et assurer une coopération inter-institutions dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques. Pour augmenter la participation, Mme Levchenko a plaidé pour les quotas de genre, en prenant l’exemple de l’adoption ukrainienne d’un quota de 40% de femmes pour ses élections locales de 2020.

Ensuite, les délégués ont pris la parole pour leurs interventions. Parmi eux, l’Union Européenne a mis en lumière le rôle fondamental joué par les femmes dans la lutte contre la COVID-19 et la construction d’un monde postpandémie. En considérant que le retour des femmes dans le marché du travail pendant la phase de relance est plus lent, il devrait être obligatoire pour les États Membres d’investir dans des projets puisque la relance sociale et économique est possible uniquement si les femmes et les filles y participent. Investir dans l’émancipation des femmes revient à investir dans une relance future et stable.

Le Cameroun, au nom du groupe africain, a attiré l’attention sur le faible déploiement du vaccin en Afrique et a déclaré que toute mesure ignorant les inégalités dans l’accès aux vaccins ne sera pas concluante sur le long terme. La délégation a demandé au panel comment ils évaluaient l’impact du passeport vaccinal dans l’exacerbation des inégalités étant donné l’offre extrêmement limitée de vaccins dans des endroits comme l’Afrique.

L’Albanie a exprimé son inquiétude quant à l’augmentation des violences domestiques étant donné que les femmes et les filles sont confinées avec leurs abuseurs. Echouer à s’attaquer à la violence courante contre les femmes et les filles, entraîne un coût important pour l’avenir, portant atteinte à la santé, à la dignité, à la sécurité et à l’autonomie des victimes, tout en favorisant la culture du silence. 

Le Programme des Nations Unies pour le développement a rapporté que seulement 13% des mesures gouvernementales répondant à la crise de la COVID-19 abordaient l’insécurité économique des femmes. Le PNUD a déclaré qu’il continuerait à pousser à la participation égalitaire des femmes à la vie publique, à la protection sociale universelle, à la transformation des normes sociales discriminatoires, au renforcement du contrôle des femmes sur les ressources, et à l’élimination de la ségrégation sur le marché du travail.

Israël a souligné l’importance des changements sociaux et culturels se concentrant non seulement sur l’augmentation du nombre de femmes dans des positions stratégiques, mais aussi sur l’adoption d’un mode de pensée sensible au genre dans les prises de décision, la planification des politiques et l’allocation des ressources.

Les organisations de la société civile ont exprimé leurs inquiétudes quant à la façon dont la pandémie menace de supprimer des décennies d’avancées laborieuses en matière d’égalité des genres et d’objectifs de développement durable. Une ONG a souligné que la création et l’intégration de nouvelles stratégies pour faire face à la violence contre les femmes devrait continuer en investissant dans la technologie et les inventions numériques. La société civile a aussi mis en lumière l’importance de la collecte de données pour aider à mettre en place des mesures qui atteignent les individus les plus en danger et dans le besoin. Les violations des droits des femmes doivent être traitées comme des violations sérieuses des droits humains afin de réellement faire face à la COVID-19.

Dans leurs remarques finales, les trois panelistes ont répété les meilleures pratiques pour une relance égalitaire entre les genres. Mme Alesi a spécifiquement répondu aux questions des délégations concernant les passeports vaccinaux, en affirmant que son imposition est enracinée dans le colonialisme et le racisme et qu’elle bloque le commerce dans les pays qui ont un faible accès aux vaccins. Elle a aussi exprimé le besoin de rejeter le taux mondial d’imposition des sociétés de 15%, qui continue de détourner l’argent des pays à revenu faible ou intermédiaire. Mme Alesi a encouragé les pays africains et leurs alliés à protester contre ces pratiques qui mènent en fin de compte à l’exclusion des femmes et des filles dans les pays sous-développés ou développement. Mr Naceri a insisté sur le fait que nous ne pouvons pas revenir aux mêmes mauvaises mesures. Il a ajouté qu’il n’est pas trop tard pour rejoindre le mouvement mondial pour l’égalité des genres.

 

Résolution 47.L.18

Durant la 47ème Session du Conseil des droits de l’homme, le Canada a soumis un projet de proposition de résolution nommé :

Accélérer les efforts pour éliminer toutes formes de violence à l’égard des femmes et des filles ; prévenir et répondre à toutes les formes de violence contre les femmes et les filles handicapées.

La résolution, entre autres, « exhorte les États à prévenir et à répondre à l’augmentation de la violence à l’égard des femmes et des filles, y compris celles qui sont handicapées, dans le cadre de la pandémie de la COVID-19, en intégrant des mesures de prévention, de réponse et de protection accessibles et inclusives » dans les réponses à la pandémie et les plans de relance.

La résolution accueille également avec satisfaction la discussion annuelle d’une journée entière sur les droits des femmes et demande au Haut-Commissaire des droits de l’homme des Nations Unies de préparer un rapport résumant la discussion annuelle tenu pendant la 47ème session, pour la présenter à la 50ème session de l’année prochaine. De plus, la résolution exhorte le HCDH d’écrire un rapport résumant la discussion annuelle qui aura lieu à la 50ème session en 2022 et de le présenter à la 53ème session en 2023.

Ladite résolution a été adoptée par consensus sans vote par les États Membres du Conseil des droits de l’homme.

 

Position de GICJ

Geneva International Center for Justice exprime son profond soutien aux efforts du CDH pour intégrer la protection et la promotion des droits des femmes dans le système des Nations Unies en incorporant dans son programme de travail des débats annuels d’une journée entière afin de discuter des mesures des États pour répondre aux violations de leurs droits.

GICJ note qu’en dépit de l’engagement de la communauté internationale à respecter les droits des femmes handicapées, les mesures adoptées tendent à échouer à inclure leurs voix ainsi que leur participation dans le processus de prise de décision et dans les positions de pouvoir dans la société. De la première table ronde, GICJ affirme que c’est uniquement en assurant aux femmes et aux filles handicapées l’accès à l’information et aux services, y compris l’eau et l’hygiène, les soins de santé, l’éducation et la protection sociale, que l’égalité des genres pourra être assurée. En outre, GICJ souligne que les États doivent s’attaquer aux stéréotypes contre les femmes handicapées, renforcer l’accès aux services pour les personnes handicapées, et changer les régulations qui échouent à incorporer l’égalité des droits ou qui dissuadent les femmes et les filles handicapées de rapporter les violences de genre.

De plus, GICJ incite tous les acteurs, non seulement à discuter des moyens concrets d’assurer que les plans de relance socioéconomique de la COVID-19 puissent assurer l’égalité des genres, mais également à être proactif dans la recherche de solutions. GICJ reste convaincu que cela doit être une priorité de court et de long terme pour tous les États. Pour avoir des politiques durables, la participation des femmes dans la prise de décision à tous les niveaux est essentielle, ainsi que l’investissement actif dans l’émancipation des femmes dans la période de relance post-pandémie. Le monde est plus fort et résistant quand les femmes ont un siège égal à la table des négociations.

 

Read in English 

Justice, Human rights, Geneva, geneva4justice, GICJ, Geneva International Centre for Justice

 

GICJ Newsletter