Rapport sur le dialogue interactif renforcé : présentation orale du groupe d’experts éminents sur le Yémen à propos de la situation des droits de l’homme au Yémen et du développement et de la mise en place de la Résolution 45/15

Écrit par Joy El Hajaly/GICJ

Traduit par Clélia Jeandin/GICJ

A l’occasion de la 46ème session régulière du Conseil des Droits de l’Homme, le groupe d’éminents experts sur le Yémen (Group of Eminent Experts on Yemen, GEE) a présenté son rapport le plus récent, qui a été discuté le 25 février 2021 avec la Résolution 45/15. Le 6 octobre 2020, le Conseil des Droits de l’Homme avait adopté la résolution 45/15, qui définit la situation des droits de l’homme au Yémen, réaffirme le soutien du Conseil au Secrétaire Général ainsi qu’à son Envoyé Spécial au Yémen, et qui prend en compte le rapport du GEE ainsi que d’autres problématiques. Le rapport du GEE quant à lui se concentre sur des violations présumées ayant été commises entre juillet 2019 et juillet 2020. Le rapport signale notamment les infractions du droit international humanitaire commises par les différentes parties concernées ; il suggère également un certain nombre de recommandations visant les différents groupes internes et externes.

Le Dialogue Interactif du 25 février 2021 a débuté avec une déclaration de M. Kamel Jendoubi, président du GEE, au cours de laquelle il a repris les principaux enjeux inclus dans son rapport et évoqué des sujets différents, tels que la représentation insuffisante des femmes dans la mise en place de résolutions soutenables et pacifiques, et les détentions problématiques au Yémen. M. Jendoubi a également fait part des contraintes qui avaient fortement limité le travail d’information du GEE : en effet, le manque de soutien financier et les restrictions de déplacement dus à la pandémie ont considérablement retardé les activités des organisations sur le terrain et l’établissement de solutions durables. Le président a tout de même noté les accomplissements réalisés dans les derniers mois, principalement la formation d’un gouvernement, aboutie après de longues négociations et des accords. En réponse, le pays concerné a affirmé son opposition au mandat du GEE, alléguant que le groupe était peu fiable et politisé, et n’apportait aucune preuve des attaques lancées par les Houthis. Le Yémen a également exhorté le Conseil à respecter la Résolution 26/45, et plus particulièrement l’article 10, puisque celui-ci autorisera la commission nationale au Yémen à contrôler les abus et la violence dans le pays.

Au cours du Dialogue Interactif, l’opposition entre deux positions et déclarations principales est devenue claire. La plupart des pays au sein du groupe Africain et du groupe Asie et Pacifique ont convenu que la souveraineté du gouvernement du Yémen devait être garantie. En effet, les états tels que la Libye, le Cameroun, le Maroc, le Bahrain et l’Arabie Saoudite, ont exprimé leur soutien résolu au gouvernement récemment formé au Yémen. Ces pays ont également reconnu que le mandat du GEE et que le rapport présenté par le groupe manquait de transparence, appelant les membres du conseil à reconnaître la partialité du rapport. D’autre part, le groupe des pays d’Europe de l’Ouest et quelques États issus d’autres groupes ont estimé que le rapport du GEE était fiable et transparent. Ainsi, l’Union Européenne et les pays Nordiques et Baltes ont exprimé leur inquiétude quant à la légitimité du gouvernement du Yémen et ont réitéré leur soutien au mandat du GEE. Les pays Nordiques et Baltes ont notamment invoqué les graves violations du droit international et du droit international humanitaire commises par le gouvernement actuel. Un certain nombre d’ONG, telles que la Women’s International League for Peace and Freedom, Reporters without Borders, et Save the Children International, ont également exprimé leur soutien au rapport du GEE en apportant des informations supplémentaires sur la situation au Yémen, notamment à propos des violences sexistes et sexuelles et de la détention de journalistes sous l’autorité de la cour Houthi. L’ONG Save the Children International a spécifiquement souligné l’urgence de la crise humanitaire qui frappe le pays : le taux de malnutrition a augmenté de 50% en 2020 dans le pays, et on estime que plus de 2 millions d’enfants souffriront de malnutrition en 2021. 

Des dizaines de milliers de civils sont morts. Plus de 20 millions de personnes ont besoin de protection et de secours. Le pays se prépare à affronter la famine la plus importante que le monde ait connu depuis des décennies. Le monde doit apporter son soutien, notamment par le biais d’une participation politique pacifique et d’une gouvernance responsable.

Geneva International Centre for Justice (GICJ) estime que la situation des droits de l’homme au Yémen est déplorable ; les parties concernées commettent de graves violations du droit international et du droit international humanitaire. GICJ appelle d’abord la communauté internationale à faire pression sur les parties concernées afin de cesser les violences à l’encontre de civils innocents. Pour ce faire, la communauté doit dénoncer les violations de normes applicables des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Deuxièmement, GICJ appelle les États et les organisations internationales à fournir un soutien humanitaire adéquat afin de soutenir le maintien des structures de secours au Yémen et de garantir la protection des victimes et des détenus. Finalement, GICJ recommande fermement aux États de soutenir les efforts déployés par l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général pour le Yémen afin d’atteindre une paix durable et de garantir la fin des hostilités. Les besoins des citoyens du Yémen doivent être une priorité. 

 

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