Traduit par Hind Raad Gathwan / GICJ
Le 14 Mai 2024, Le Conseil Européen a adopté le pacte sur la migration et l’asile. Ce pacte entrera en vigueur en 2026 et l’Union Européenne (UE) affirme que ce pacte contribuera à structurer le flux migratoire, à créer des procédures efficaces et à garantir la répartition des charges de manière équitable entre les États membres.
Le 10 avril 2024, le Parlement Européen a fait passer le pacte de l’UE sur la migration et l’asile après 8 ans de travail. L’UE avait d’abord proposé la révision de sa politique migratoire afin de gérer le nombre croissant des demandeurs d’asile dû aux conflits politiques au Moyen-Orient.
Le flux migratoire s’est arrêté pendant le Covid-19, mais à repris depuis 2022. Rien que l’année passée, plus d’1.1 million de demandes d’asiles ont été déposés au sein de l’UE et des États de l’espace Schengen.
Ce pacte est considéré, comme la réforme la plus importante sur la loi migratoire de l’UE depuis deux décennies et comporte 10 régulations. Conformément à la Commission Européenne, le pacte garantira que l’UE dispose de frontières externes sécurisées, que les droits des individus soient garantis, et qu’aucun pays de l’UE fera face à la pression seul.
Ce pacte s’appuie sur 4 piliers, la sécurité des frontières externes, des procédures rapides et efficaces, un système de solidarité et de responsabilité efficace et l’intégration de la migration dans les partenariats internationaux. Les 10 régulations couvrent un large champ de gestion des migrants. Une des plus grandes controverses est l’intégration de la migration avec les partenariats internationaux, ce qui permettrait le traitement extraterritorial des demandes d'asile et la détention extraterritoriale des personnes à rapatrier.
Cette disposition est contraire à la convention de Dublin, qui prévoit que le pays dans lequel le demandeur d'asile dépose sa première demande a pour responsabilité de la traiter. Il est difficile de garantir que les demandeurs d’asile bénéficieront du même niveau de protection des droits de l’homme lorsque le traitement de leurs demandes est externalisé vers les pays partenaires et non au sein des frontières de l’UE.
La question de savoir si ces pays exerceront une surveillance suffisante sur le personnel concerné et comment les demandeurs d'asile pourront faire appel des décisions relatives aux demandes d'asile et retarder l'expulsion dans l'attente de l'appel ne sont que quelques-unes des nombreuses questions qui auront un impact considérable sur les migrants. L'année dernière, l'Italie a conclu un protocole avec l'Albanie pour externaliser le traitement des demandes d'asile. En vertu de ce protocole, le pays des Balkans traite annuellement 36.000 demandes d’asile pour l’Italie. Dans le cadre du pacte sur la migration et l’asile, l’Union à renforcer sa collaboration avec l’Égypte, la Tunisie, la Turquie , qui sont des passages clef pour les réfugiés (routes migratoires) en accordant des fonds à ces pays partenaires afin de renforcer le contrôle de leurs frontières.
Les mesures de la réforme globale garantissent que les ressources nécessaires et le personnel compétent en nombre suffisant, incluant les gardes-frontières sont alloués à sa mise en œuvre.
Bien que l’UE ne cesse de réaffirmer que cela contribuera à lutter contre la traite des êtres humains, et permettra l’adoption d’une approche proactive en matière de l’immigration, la mise en avant de la sécurisation des frontières externes suscite des inquiétudes concernant les refoulements violents et le recours à la détention, dont celle des enfants.
Le pacte a été soutenu par les députes européens dont la majorité sont issue des États membres, ce qui lui a permis de contourner l’opposition de la Polande et de l’Hongrie, qui ont déclaré n’accepter aucun réfugié en provenance des États membres et ne pas contribuer au fond de l’Union destiné à gérer la crise des réfugiés.
La mise en accent de l’EU sur l’immigration vient en réponse aux préoccupations des États Membres faisant face à l’immigration insoutenable, qui est devenue une question clé pour plusieurs gouvernements nationaux.
Dans des pays comme l’Allemagne et la Suède qui avaient tendance par le passé à être plus favorables aux migrants, un sentiment anti-migrants ou des questions concernant les règles d’immigration laxistes ont augmenté ces dernières années. Les partis d’extrême droite comme le Rassemblement national en France et l’AfD en Allemagne, gagnent en popularité dans la politique dominante, souvent grâce à une rhétorique délibérément anti-immigration, inquiètent également les partis au pouvoir.
Le 15 mai 2024, un jour après l'adoption du Pacte par le Conseil Européen, un groupe de 15 États membres ont publié une lettre commune appelant à l'externalisation des politiques de migration et d'asile. L'appel a été lancé par le Danemark, avec le soutien de l'Italie, Chypre, Lettonie, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Autriche, Pologne, Roumanie, Bulgarie, République Tchèque, Estonie, Grèce et Finlande. Les signataires ont souligné que les principaux objectifs sont de renforcer la sécurité des frontières externes et la création de procédures d'asile plus efficaces. Ils ont encouragé l'Union européenne et davantage d’États membres à envisager de former des partenariats avec les pays voisins, comme dans la déclaration UE-Turquie et le protocole Italie-Albanie. Ce faisant, ces pays partenaires pourront devenir des lieux de sécurité prédéterminés en dehors de l’Union Européenne, où des solutions durables pour les réfugiés pourraient être mises en place.
La Commission Européenne a salué la nouvelle législation. Malgré le soutien de la majorité, au sein du Parlement, certains députés se sont montrés mécontents. Malin Björk, du Sweden’s Vänsterpartiet a critiqué le fait que le Pacte porte atteinte au droit individuel de demander l'asile, sans parvenir à résoudre ce qu'il était censé résoudre. Plus de 150 associations caritatives et organisations non-gouvernementales pour migrants ont manifesté leurs inquiétudes face aux nouvelles lois. Le Conseil danois pour les réfugiés a suggéré que le Pacte soumettrait les demandeurs d'asile à des risques plus élevés de refoulement violent et de détention déplorable.
Geneva International Centre for Justice (GICJ) appelle l’Union européenne à accorder une plus grande attention aux risques importants en matière des droits de l’homme auxquels seront confrontés les demandeurs d’asile dans le cadre de la nouvelle réforme sur l’immigration. Toutes les dispositions du Pacte sur la migration et l'asile et leur application au niveau national doivent être conformes à la Convention relative aux réfugiés de 1951 et à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. GICJ exhorte également l'Union Européenne et les États membres à fournir un soutien suffisant et une protection robuste aux demandeurs d'asile.