Rédigé par Aimara Pujadas
Traduit par Alexandra Guy
Les évènements du 24 décembre au Myanmar ont ravivé le débat et l’attention sur la situation des enfants dans le contexte des conflits armés. Trente-cinq personnes sont décédées de cet incident, y compris 4 enfants et deux membres du personnel de « Save the Children ».
A la suite de ces évènements, les appels à une plus forte protection des droits et du bien-être des enfants, trop souvent négligés par les partis aux conflits, se sont intensifiés. Les enfants doivent être protégés contre les dangers de mort et de mutilation, mais aussi le recrutement forcé, la détention arbitraire, les violences sexuelles, les enlèvements, les attaques dans les hôpitaux et les écoles (lieux accueillant beaucoup d’enfants), ainsi que les refus d’assistance humanitaire. « Des enfants souffrent, des enfants meurent à cause de cette impitoyabilité. Tous les efforts possibles doivent être faits pour protéger ces enfants », a déclaré Henrietta Fore, directrice générale d’UNICEF, à propos des effets dévastateurs des conflits et de la vulnérabilité des enfants dans ce contexte.
Comment la loi internationale protège-t-elle les enfants dans les conflits armés ?
La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989, créé par les Nations Unies, est le premier instrument international juridiquement contraignant à incorporer tous les droits humains – civils, culturels, économiques, politiques et sociaux. Les enfants ont besoin de jouir de tous ces droits pour pouvoir développer pleinement leur potentiel. Il s’agit du traité de droits humains le plus ratifié, avec 196 ratifications, les Etats Unis étant le seul pays en attente de ratification.
La CIDE se base sur quatre piliers : le principe de non-discrimination, les meilleurs intérêts de l’enfant, le droit à la vie, à la survie et au développement, et la prise en considération de l’opinion de l’enfant dans les décisions qui l’affectent (en fonction de leur âge et leur maturité). En outre, en 2000, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté le Protocole facultatif à la Convention des droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, afin d’empêcher les enfants d’être recrutés et utilisés dans les conflits.
Les Etats qui ratifient ce document s’engagent à ce que les enfants de moins de 18 ans ne soient pas recrutés pour être envoyés sur le champ de bataille ou enrôlés comme soldats. Ils doivent prendre toutes les mesures possibles pour empêcher ces recrutements, notamment en interdisant et en criminalisant le recrutement d’enfants de moins de 18 ans. La Convention fait également référence à la démobilisation de toute personne de moins de 18 ans déjà enrôlée ou utilisée dans un conflit, ainsi qu’à l’apport de services de réadaptation mentale et physique et d’aide à la réinsertion sociale.
La protection et le bien être des enfants en temps de conflits a pris une place importante dans l’agenda politique de la communauté internationale. Il existe de nombreuses normes et lois, majoritairement consacrées dans le droit humanitaire et les droits humains internationaux, servant de cadre normatif pour la protection des enfants : les conventions de Genève (1949) ainsi que ses deux protocoles additionnels (1977), la Convention 182 sur les Pires formes de travail infantile de l’Organisation internationale du Travail (1999), le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (2002), ainsi que plusieurs résolutions du Conseil de sécurités adoptées majoritairement à partir de 1999.
Les tribunaux internationaux, tels que la Cour Pénale Internationale mentionnée ci-dessus, mais également les Tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, ont particulièrement participé à la prise en considération des droits des enfants partout dans le monde grâce à leurs grandes contributions légales et judiciaires. Par exemple, en 2004, le Tribunal spécial pour la Sierra leone (TSSL) a statué dans l’affaire Hinga Norman que le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les conflits armés constituaient un crime de guerre en vertu du droit international coutumier, apportant une importante référence judiciaire dans le domaine des droits de l’enfant.
Le Conseil de Sécurité et l’Assemblée générale, eux, ont fait passer des résolutions condamnant clairement le ciblage délibéré des enfants, des civils et des individus vulnérables et protégés en général. En 2009, par la résolution 1882, le Conseil de sécurité a ajouté les cas de meurtre ou de mutilation d’enfants à la liste des éléments justifiant l’inscription des parties au conflit dans le rapport annuel sur les enfants et les conflits armés du Secrétaire général.
La dure réalité des enfants dans les conflits armés
En dépit de la solidité de la législation internationale sur les enfants dans les conflits armés, leurs droits continuent d’être systématiquement violés. Des enfants sont tués et mutilés dans des endroits où ils devraient être en sécurité, comme dans leur foyer, dans les écoles et dans les hôpitaux, dans un dédain évident du droit humanitaire international. Les écoles sont attaquées ou converties en bases militaires, devenant ainsi cibles d’assaut. En outre, les enfants subissent les blocus de nourriture et de médicaments, et meurent de famine ou de maladie qui auraient pu être évitées.
Les enfants continuent d’être recrutés dans les forces armés et les groupes clandestins, de force ou par choix. Certains d’entre eux sont enlevés et battus jusqu’à ce qu’ils se soumettent, mais d’autre rejoignent les forces militaires pour échapper à la pauvreté, pour défendre leur communauté ou même par esprit de revanche. Il est clair que le manque d’alternatives et de moyens de subsistance décents fait de l’engagement dans l’armée une option très attrayante pour de nombreux enfants dans les zones de conflit qui aspirent à un sentiment de sécurité et d’appartenance à un groupe.
En tant que membres des forces armés, les enfants peuvent prendre part directement aux combats, mais ils peuvent également avoir d’autres responsabilités. Ils endossent souvent des rôles de soutien qui comportent également de grands risques : ils peuvent être espions, messagers, esclaves sexuels ou poseurs de bombes suicidaires.
Les filles recrutées dans les forces armées sont confrontées à des dangers propres à leur genre, notamment le viol et les violences sexuelles, les grossesses et leurs possibles complications, la stigmatisation ainsi que le rejet par leurs familles et communautés.
Selon les données de l’UNICEF, une hausse alarmante du nombre de cas confirmés d’enlèvements et de violences sexuelles a été observée durant les trois premiers mois de 2021. Les chiffres ont ensuite continué d’augmenter – de plus de 50% pour les enlèvements et de plus de 10% pour les violences sexuelles. Les pays les plus touchés par cette hausse sont la Somalie, puis la République Démocratique du Congo (RDC) et les pays du bassin du lac Tchad (Tchad, Nigeria, Cameroun et Niger). Les pays avec le plus de cas confirmés de violences sexuelles sont la RDC, la Somalie et la République centrafricaine.
De son côté, l’Afghanistan a le taux d’accidents impliquant des enfants le plus élevé depuis 2005, avec plus de 28 500 accidents, soit 25% de tous les accidents impliquant des enfants dans le monde. En octobre 2021, l’UNICEF a déclaré que 10 000 enfants avaient été tué ou mutilés au Yémen depuis l’envenimation du conflit en mars 2015 – ce qui équivaut à quatre enfants décédés chaque jour.
La législation internationale des droits humains souligne l’importance du « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité » de tous les individus. Les Etats ont la responsabilité de veiller au respect, à la protection et à la réalisation de ces droits. Comme évoqué précédemment, la CIDE reconnaît « que tous les enfants ont le droit inhérent à la vie », et que les Etats parties doivent veiller « le plus possible à la survie et au développement de l’enfant ».
Position de GICJ
En situation de conflit comme en période de paix, la sécurité et le bien être des enfants doivent être assurés de manière inconditionnelle. Tout personne qui met en danger leur vie doit être punie. Les institutions gouvernementales doivent travailler de concert avec les institutions humanitaires internationales pour empêcher les violations des droits des enfants dans le contexte des conflits armés. Les pays impliqués dans des conflits doivent s’assurer spécialement et individuellement des droits de tous les enfants pris dans un conflit ou une crise, en plus de la généralité des droits conférés à tous les enfants.
Geneva International Center for Justice (GICJ) considère que la privation intentionnelle d’une assistance humanitaire est illégale, puisqu’elle viole l’obligation légale d’apporter aide et soins aux enfants, mettent en péril leurs vies et leurs chances de survie. Les Etats et la communauté internationale doit agir et sensibiliser davantage afin de protéger les vies de milliers d’enfants au bord de la rupture psychologique, du traumatisme physique et même d’une mort évitable.
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Justice, Human Rights, Geneva, geneva4justice, GICJ, Geneva International Centre For Justice