Rédigé et traduit par : Alexandra Guy / GICJ

Si la Fédération de Russie a bien avancé en matière de lutte contre la discrimination de genre, de nombreuses problématiques restent d’actualité, tel que l’émancipation dans les sphères publiques et politiques, les droits du travail et de l’éducation, la protection de la famille et de la maternité, et les violences domestiques.

Le rapport de la Fédération de Russie pour la CEDEF (Convention sur l’Elimmination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes) a été évalué lors de la 80ème session du Comité. Le Comité a pressé le gouvernement russe de changer sa législation pour les crimes de violence sexuelle. En effet, les victimes de viol ou d’agression sexuelle sont redirigé vers des poursuites judiciaires privées, où elles doivent apporter toutes les preuves et financements, ce qui leur fait porter tout le poids psychologique et financier de l’affaire. En conséquence, certaines femmes renoncent à porter plainte et à accéder à la justice. La Fédération de Russie a affirmé travailler sur une réorientation de la prise des plaintes pour viols et agressions sexuelles vers le domaine public.

La Fédération de Russie prioritise la prévention à la punition, et affirme qu’une telle approche a permis de réduire les violences domestiques de 50% en 5 ans. Bien que la prévention représente un aspect majeur de la lutte contre la discrimination envers les femmes, il est important de veiller à ce qu’elle ne mène pas à l’impunité des coupables. La décriminalisation des violences domestiques de première occurrence (depuis 2017) et l’existence de sanctions partielles pour les crimes contre l’intégrité sexuelle mettent également en danger la protection des femmes. Selon le Service Statistique de l’Etat Fédéral, seules 18% des femmes subissent des abus verbaux, 6% des abus physiques, et 1% des abus sexuels. De nombreuses études de la société civile revoient largement ces chiffres à la hausse.

Les experts de la CEDEF ont pointé du doigt le traitement des ONG en Fédération de Russie, y compris des ONG de droits des femmes. La classification de certaines ONG comme « acteurs étrangers » est utilisée comme outil stratégique par l’Etat. Elle empêche les organisations d’agir sur le territoire. Des membres d’organisations féministes sont détenues pour leurs actions. Les experts ont exprimé que de tels actes limtent la participation de la société civile, qui est pourtant essentielle à l’implémentation des droits humains et des droits des femmes. Ils ont notamment mentionné l’existence de l’amendement à la Constitution de 2019 plaçant la loi nationale au-dessus de la loi internationale. Cela représente un clair obstacle à l’implémentation de la CEDEF dans le pays.

Les participants ont souligné les différents risques de violences accrus auxquelles les femmes font face dans le Caucase du Nord et dans les autres régions occupées. Elles y risquent le trafic et l’enlèvement de manière exacerbée et l’absence d’une définition claire du terme « trafic » dans le Code Pénal russe rend l’accès à la justice encore plus ardue pour les victimes. Les femmes du Caucase du Nord sont en plus grand danger de violences sexuelles et de mariages forcés et précoces. Leurs droits à l’éducation est menacé. Les stéréotypes de genres et valeurs traditionnelles et homophobes, en globale augmentation dans le pays, sont d’autant plus prévalents dans ces régions, ce qui met en danger les droits des femmes. Le Comité a demandé à la Fédération de Russie ce qui avait été mis en place pour combattre ces inégalités. La Fédération de Russie a affirmé que les régions qu’elle considérait occuper étaient aussi soumis aux standards des droits humains, et qu’elle n’était pas responsable des évènements se déroulant au sein de l’Ukraine.

Geneva International Centre for Justice presse la Fédération de Russie à intégrer les abus sexuels dans le cadre des poursuites judiciaires privées afin que les victimes bénéficient d’un réel accès à la justice. Nous recommandons également de lutter concrètement contre les stéréotypes de genre, qui affectent les droits des femmes dans toutes les sphères, notamment en permettant certaines violences domestiques. La persistance d’une liste de 98 métiers interdits aux femmes est un autre exemple des effets néfastes des stéréotypes de genre en Russie. Cette liste doit absolument disparaitre. Enfin, nous pressons la Fédération de Russie de changer ou abroger l’amendement à la Constitution de 2019 plaçant la loi nationale devant la loi internationale, car elle représente un obstacle évident à l’implémentation de la CEDEF dans le pays.

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