Rédigé par Lian Martínez / GICJ

Traduit par Yasmine Darwish / GICJ

La France a violé les droits des enfants français détenus en Syrie en omettant de les rapatrier, a affirmé le jeudi 24 février 2022 le Comité des Droits de l'Enfant (CDE), après avoir examiné des requêtes concernant 49 enfants français dont les parents auraient collaboré avec le groupe État islamique (ou Daech)[1].

Les requêtes ont été déposées en 2019 par un groupe de citoyens français au nom de leurs petits-enfants, nièces et neveux, certains seulement âgés de cinq ans, actuellement détenus dans des camps kurdes du nord-est syrien.

Depuis que les proches ont porté leurs cas devant le Comité en 2019, le gouvernement français a rapatrié 11 de ces enfants. Les 38 autres vivent toujours dans ces camps dans "des conditions sanitaires inhumaines, manquant de produits de première nécessité, notamment d'eau, de nourriture et de soins de santé, et faisant face à un risque imminent de mort", a déclaré Ann Skelton, membre du CDE, ainsi qu'à un risque d'endoctrinement dans l'idéologie d'ISIS [2]. En outre, "au moins 62 enfants seraient morts en raison de ces conditions depuis le début de l'année 2021". De plus, la crise du COVID-19 a réduit l'accès des agences humanitaires [3]. 

La situation est extrêmement urgente et nécessite une action rapide ; la France doit se conformer à sa responsabilité et à son devoir de protéger ces enfants. Il faut rappeler que ces enfants sont des victimes innocentes et des sujets de droits et de garanties en vertu d'obligations internationales et notamment protégés par la Convention des droits de l'enfant, ratifiée par 196 Etats, dont la France. Plusieurs dispositions sont pertinentes dans ce cas, notamment le droit à la vie, à la survie et au développement (article 6), le droit de se développer dans toute la mesure du possible (article 5) et le droit d'être protégé contre les influences néfastes, la violence et l'exploitation (article 19).

Malgré la gravité de la situation, les autorités se sont montrées réticentes à rapatrier leurs ressortissants, invoquant des difficultés logistiques et des arguments de sécurité nationale. Cependant, laisser les enfants dans les camps peut en fait être contre-productif dans l'intérêt de la sécurité à long terme et, selon les experts en contre-terrorisme, le rapatriement est la meilleure solution car il permet un processus de retour contrôlé et surveillé [4].

Au niveau de l'UE, il n'y a pas de politique commune, chaque pays a sa propre stratégie [5] et la France adopte une approche au cas par cas qui donne la priorité aux orphelins et aux enfants jugés fragiles dont les mères acceptent de les laisser partir [6]. Néanmoins, il leur a été reproché de ne pas prendre "dûment en considération l'intérêt supérieur des enfants victimes lorsqu'ils évaluent les demandes de rapatriement des membres de leur famille", a fait valoir le CRC.

Geneva International Centre for Justice (GICJ) appelle la France au respect et à la mise en œuvre de la Convention des droits de l'enfant, à laquelle elle est partie depuis 1990 [7]. Le GICJ condamne les actions du gouvernement qui perpétuent la souffrance des enfants et soutient la déclaration du Comité demandant le rapatriement immédiat des enfants restants et, tant qu'ils sont dans les camps, à fournir "des mesures supplémentaires pour atténuer les risques pour leur survie et leur développement".

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[1]  https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=28152&LangID=E

[2] https://www.cncdh.fr/sites/default/files/190924_opinion_on_french_under-age_nationals_pr_impression.pdf

[3] https://rm.coe.int/third-party-intervention-by-the-council-of-europe-commissioner-for-hum/1680a31834

[4]https://www.justiceinitiative.org/uploads/d9762590-424c-4cb6-9112-5fedd0d959d1/european-states%E2%80%99-obligations-to-repatriate-the-children-detained-in-camps-in-northeast-syria-20210722.pdf

[5]https://euractiv.com/section/non-discrimination/news/french-delegation-calls-for-emergency-repatriation-of-children-in-syria-as-winter-nears/

[6] https://www.nytimes.com/2021/12/15/world/europe/frenchwoman-dead-syria-detention-camp.html

[7] https://indicators.ohchr.org/

Source de l'image: Pexels

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