48ème Session du Conseil des droits de l’Homme


(13 septembre – 8 octobre)


ORDRE DU JOUR 3 : Promotion et protection des tous les droits humains, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement


Table ronde sur la promotion et la protection des droits humains dans le cadre des manifestations pacifiques
29 septembre


Rédigé par : Payton Focht
Traduit par : Alexandra Guy

Résumé:


Les manifestations pacifiques représentent un pan essentiel de la démocratie et de la défense des droits humains. Pourtant, ce droit est mis en danger par l’augmentation récente des menaces contre les manifestants et par la gestion gouvernementale de la pandémie de la COVID-19. En effet, certains gouvernements se servent de la situation sanitaire pour restreindre excessivement le droit de réunion, ce qui prive les individus de leur droit d’expression. Les cas de violences policières contre les manifestants se font également de plus en plus entendre. Ces violations des droits humains doivent être connues et empêchées.

Lors de la 48ème session du Conseil des droits de l’Homme, les panelistes de la table ronde sur la promotion et la protection des droits humains dans le cadre des manifestations pacifiques étaient les suivants :
- Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur Spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association ;
- Yuval Shany, Chaire Hersch Lauterpacht de droit international public à l'Université hébraïque de Jérusalem et ancien président du Comité des droits de l'homme ;
- Lysa John, Secrétaire Générale de CIVICUS ;
- Le commissaire Luís Carrilho, conseiller de la police des Nations Unies.

La discussion s’est majoritairement orientée vers le droit de réunion dans le contexte sanitaire et technologique actuel.

Le droit de réunion est un droit humain fondamental, qui ne peut être restreint comme il l’a été dans beaucoup de pays. Les individus ont le droit d’être entendus, et tout pays restreignant ce droit doit être tenu responsable.

Table ronde


Déclarations d’ouverture


La Table ronde sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des manifestations pacifiques a eu lieu lors de la 26ème réunion de la 48ème session du Conseil des droits de l’Homme du 29 septembre 2021.

Les droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression sont mis en péril par les actions des gouvernements oppressifs. Ces dernières années, une augmentation considérable de la répression publique a pu être remarquée, se manifestant sous la forme de violences policières et de restrictions exagérées justifiées par la situation sanitaire. Les droits des manifestants ont été gravement entravés à travers le monde. Dans sa résolution 44/20, le Conseil a reconnu l’importance des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Le Conseil s’est exprimé sur les dangers d’une mauvaise utilisation de la technologie, de la brutalité policière, des restrictions sanitaires, et des sanctions dirigées contre les manifestants de la part des gouvernements.

Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, a ouvert la discussion en rappelant que le droit de réunion constitue un droit universel et mondial nécessaire à la démocratie et à la dispersion des droits humains. Notamment, le droit de réunion permet aux Etats d’obtenir un retour sur leur gouvernance, afin de comprendre les besoins de la population. Elle a évoqué le besoin de mettre en place rapidement des politiques de prévention contre l’utilisation abusive de la technologie par le gouvernement pour limiter les droits des manifestants. Elle a clos son discours en rappelant au Conseil l’importance de la protection des manifestants pacifiques.


Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur Spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, a ensuite prit la parole. Il a rappelé que l’article 21 protégeait tous les manifestants pacifiques, que ce soit en ligne ou en présentiel, ce qui est particulièrement important actuellement, puisque la population a développé son engagement en ligne lors de la pandémie de la COVID-19. Il s’est inquiété de l’augmentation de la violence, notamment due au fait que les manifestations sont vues comme des dangers pour le maintien de la sécurité. Les manifestations pacifiques ne doivent pas être considérées de la sorte. Il a également remarqué l’usage croissant de la technologie par les Etats pour tenter de réduire au silence les manifestants. Les Etats utilisent la surveillance de masse, créent et propagent des discours de haine, diffusent des informations mensongères, surveillent, harcèlent et font taire les manifestants, et créent des coupures d’Internet afin d’empêcher des manifestations en ligne d’avoir lieu. Clément Nyaletsossi Voule a rappelé que les Etats ne peuvent pas se servir de la pandémie pour user de la force et interdire les manifestations, car il s’agit d’un droit humain fondamental. Dans le contexte actuel, l’interprétation de ce qui peut constituer ou non un motif de restriction des manifestations s’est considérablement élargi et devrait être revue de nouveau. Il a soutenu que les Etats restreignant les manifestations au-delà du raisonnable sont des régimes autoritaires.


Yuval Shany, Chaire Hersch Lauterpacht de droit international public à l'Université hébraïque de Jérusalem et ancien président du Comité des droits de l’homme, était le troisième paneliste à prendre la parole. Il a évoqué la portée du droit de réunion : ce droit n’est pas valable pour les réunions violentes et ne prend pas en considération les évènements isolés. Les Etats doivent mettre en place et garantir un environnement propice aux manifestations pacifiques ; ils doivent protéger les manifestants ; autoriser les réunions spontanées ; et assurer que les organisateurs de manifestations soient uniquement responsables pour leurs actions, et non pour celles d’autrui. Les restrictions ne peuvent être utilisées pour supprimer le droit de réunion : elles doivent être équilibrées et proportionnelles aux situations. Les restrictions doivent également être assurées par des agents formés sur la manière de gérer les manifestants. En ce qui concerne la technologie dans le contexte des manifestations pacifiques, les rassemblements, communications ou autres se déroulant en ligne doivent être protégés. Tout interférence non justifiée est illégale.


Par la suite, Lysa John, Secrétaire Générale de CIVICUS, a pris la parole. Elle a noté que les individus étaient privés de leurs droits à cause de restrictions arbitraires et violentes. Elle a souligné l’existence de preuves d’usage excessif de la force contre des manifestants dans au moins 79 pays et de détention des manifestants dans au moins 100 pays sous les restrictions de la COVID-19. Les Etats sont tenus à un certain nombre de responsabilités, et doivent assurer le maintien de la liberté d’expression. Elle a souligné 4 problématiques majeurs dans les restrictions de la liberté de réunion dans le contexte des manifestations pacifiques. Premièrement, les restrictions des lois d’Etat d’urgence n’ont pas de clause de réexamen. Les manifestations peuvent donc être interdites indéfiniment. Deuxièmement, l’usage des coupures d’électricité par les gouvernements a notamment pour but de réduire au silence les manifestants et les minorités. Troisièmement, l’intelligence artificielle est utilisée pour identifier et harceler les manifestants grâce à la reconnaissance faciale. Quatrièmement, des restrictions financières sont utilisées contre les leaders des mouvements et manifestations. Lysa John a appelé à abandonner les charges contre les manifestants, à les relâcher et à comptabiliser les individus emprisonnés. Il est aussi nécessaire de veiller à ce que toutes les régulations gouvernementales visant à limiter les rassemblements soient raisonnables, et de mettre en place une législation internationale cohérente concernant les droits des manifestants.

Le dernier paneliste était le Commissaire Luís Carrilho, conseiller de la police des Nations Unies. Il a affirmé que le but de la police des Nations Unies était de servir et protéger la population. Il a insisté sur le besoin de cohérence et d’harmonie dans les actions de maintien de l’ordre à l’égard des manifestants. Les forces de l’ordre doivent pouvoir créer un dialogue avec les individus, afin d’utiliser des stratégies de médiation et de désescalade des tensions. Par conséquent, une formation appropriée des officiers de polices permettrait d’améliorer la protection des droits de manifestants.

Les panelistes ont tous affirmé que les plus grandes menaces actuelles pour le droit de réunion sont les nouvelles technologies, le manque de renforcement des capacités, la COVID-19, et l’impunité.

En ce qui concerne la technologie, deux grands enjeux se sont dégagés de la discussion. Certains Etats créent des coupures d’électricité pour empêcher des manifestations en ligne ainsi que leur planification d’avoir lieu. De plus, il a été démontré que des Etats utilisaient la technologue pour surveiller et harceler des manifestants, des activistes et des journalistes.

La deuxième problématique relevée par les panelistes était le besoin grandissant de renforcement des capacités pour mettre un terme à la violence gouvernementale contre les manifestants et trouver des alternatives pacifistes et respectueuses des droits humains. A ce sujet, Clément Nyaletsossi Voule a souligné le rôle de la communauté internationale dans ce changement, qui doit s’unir et partager son expérience afin de comprendre les stratégies efficaces.

La pandémie de la COVID-19 a été utilisée par les Etats comme prétexte pour limiter les manifestations pacifiques au nom de la santé publique. Si ces limitations ont été vues comme acceptables, l’absence de clauses de réexamen est devenue un problème. Yuval Shany a rappelé que les rassemblements sont essentiels au bon fonctionnement de la démocratie. Ils ne constituent en aucun cas un luxe, et les Etats se doivent de les considérer comme fondamentaux.


L’impunité est un problème dans beaucoup de pays. L’utilisation de la force est de plus en plus utilisée par les gouvernements, ce qui est très inquiétant. Afin de répondre et mettre un terme à cette problématique, la responsabilité des individus doit être assurée aux niveaux national et international.

Le Commissaire Luís Carrilho a rappelé que le but de la police des Nations Unies était de servir et protéger les individus de manière cohérence et harmonieuse à travers le monde. Il a évoqué l’importance de la formation appropriée des officiers de police, afin de rendre possible le dialogue, de proposer une médiation, ou de désescalader les tensions si besoin lors des manifestations.

Déclarations des Délégations participantes


Les Etats Unis d’Amérique ont mis en lumière le nombre croissant de répressions gouvernementales contre les rassemblements pacifiques et ont appelé tous les gouvernements à respecter ce droit fondamental. La délégation a mentionné que les protestants cubains avaient subi des violences et répressions de la part des forces de l’ordre le 11 juillet. Certains ont également été arrêtés sans aucune procédure judiciaire. Selon les USA, le gouvernement du Nicaragua exerce une répression sur ses opposants politiques. Cela est particulièrement inquiétant étant donné que les prochaines élections du pays doivent avoir lieu en novembre. Enfin, la délégation a noté que les talibans en Afghanistan empêchaient les manifestations. Tous les gouvernements en Afghanistan se doivent de protéger le droit de réunion.

La délégation iraquienne a souhaité réitérer son respect de l’engagement de protection des rassemblements pacifiques. Les différentes branches du gouvernement souhaitent renforcer le droit de réunion pour tous les individus. La délégation a évoqué son inquiétude à propos de l’utilisation des réseaux sociaux à des fins de désinformation et de propagation d’informations mettant en péril la paix et causant le chaos. L’Irak a demandé aux participants à la discussion des méthodes pour empêcher la propagation des fausses informations.

La délégation colombienne a affirmé qu’il était inacceptable de priver les manifestants de leur droit à la nourriture, à la santé et à la vie en raison de leurs actes. Elle a souhaité savoir comment empêcher les réseaux sociaux de devenir un outil de propagation de haine, de violence et de vandalisme.

L’UNESCO a évoqué la situation des journalistes, qui sont particulièrement affectés par les violations du droit de réunion depuis des années. Ils ont été attaqués, arrêtés, intimidés, placés sous surveillance, et leur matériel a été endommagé et détruit à plusieurs reprises par les gouvernements. Particulièrement, ces cinq dernières années, plusieurs cas de femmes journalistes ciblés et attaqués par le gouvernement ont été rapportés, et cela sans aucune conséquence judiciaire. La délégation a insisté sur le besoin de former plus efficacement les forces de l’ordre à propos des diverses problématiques relatives aux rassemblements pacifiques.

Pendant le débat, les organisations de la société civile ont mis en avant d’autres problématiques importantes, notamment concernant les enfants. Il a été souligné que les enfants bénéficient également du droit de réunion et que les gouvernements devaient veiller à créer un environnement approprié pour que les enfants puissent s’épanouir dans ce droit en toute sécurité. La communauté internationale doit également jouer un rôle dans le maintien de ce droit en attirant l’attention dessus.


Remarques finales

Les panelistes ont ensuite conclu. Clément Nyaletsossi Voule a déclaré que les actions des Etats devaient dorénavant se placer dans la continuation de ce qui avait été dit lors de ce débat, et que les gouvernements devaient être tenus responsables pour leur utilisation de la technologie. Il a également souligné l’importance de la coopération de tous les Etats au sein de la communauté internationale afin de progresser dans la lutte contre la brutalité policière. Il a enfin mis en avant la nécessité d’une responsabilité juridique et morale aux niveaux national et international. Yuval Shany a noté que certaines pratiques et réglementations mises en place lors de la pandémie de la COVID-19 ne restreignaient pas le droit de réunion des individus tout en protégeant la santé publique, tel que l’obligation du port du masque ou la distanciation sociale. Les rassemblements sont un besoin, et non un luxe, et les Etats devraient le voir comme tel.


Position de Geneva International Center for Justice


GICJ souhaite répéter que les manifestations pacifiques sont un des piliers de la démocratie et que le droit de réunion doit absolument être protégé. Nous pensons également que les limites au droit de réunion qui ont été imposées au nom de la pandémie de la COVID-19 sont parfois allées trop loin. GICJ estime que les gouvernements abusent de leur pouvoir et de la technologie et que la communauté internationale doit agir au plus vite afin de mettre un terme à cette situation.


Particulièrement, en Irak, le comportement du gouvernement contre les protestants est bien connu de la communauté internationale. Les manifestants opposants politiques sont ciblés et les individus sont enlevés et arrêtés dans l’irrespect total de la procédure régulière. La population iraquienne n’a cessé de manifester à ce sujet et de réclamer la fin de l’impunité du gouvernement et des forces de l’ordre depuis 2019. La communauté internationale doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour juger les coupables des violations des droits humains en Irak. L’ONU doit tenir pour responsables les autorités iraquiennes pour leurs crimes commis envers les manifestants, et doit mettre un terme à la violence et la discorde qu’ils perpétuent.


Les Etats ayant négligé leur devoir de respecter les droits humains de leur peuple, notamment en mettant en place des restrictions exagérés du droit de manifester ou en utilisant la force contre la population, doivent être responsabilisés. Des enquêtes indépendantes doivent être menés pour les cas de violences, ainsi que pour les utilisations abusives de la technologie et des restrictions sanitaires. Tous les individus ont le droit de tenter d’améliorer la situation dans leur pays, et les Etats n’ont pas le droit de les en empêcher.

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Justice, Human rights, Geneva, geneva4justice, GICJ, Geneva International For Justice

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