48eme session du Conseil des Droits de l’Homme

13 septembre – 8 octobre 2021


Objet 7 – Assurer le respect pour le droit international des droits de l’homme et le droit humanitaire international dans les Territoires Palestiniens Occupés et Jérusalem Est.

Rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme sur les ressources en eaux dans les Territoires Palestiniens Occupés et Jérusalem Est.

Par Amie Sillito
Traduit par Louise Requin

Sommaire

Le débat général au sujet de l’objet numéro 7 s’est déroulé lors de la 32e réunion de la 48e session du Conseil des Droits de l’Homme. Michelle Bachelet, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a présenté un rapport sur la répartition des ressources en eau dans les territoires palestiniens occupés. Le rapport présente des détails sur l’inaccessibilité à l’eau potable dont souffrent les territoires palestiniens occupés, en raison de la destruction des infrastructures par les forces Israéliennes.

Lors du débat, une majorité de délégués a exprimé son soutien à la cause palestinienne, appelant Israël à permettre aux territoires occupés d’accéder à l’eau potable. Un certain nombre de représentants ont également appelé la communauté internationale à rejeter l’annexion des territoires palestiniens. Les actions d’Israël furent qualifiées « d’hypocrites » notamment à cause de leur propre engagement à soutenir les droits des femmes, la paix et la diplomatie en parallèle d’un comportement criminel à l’encontre de la Palestine. Ce point fut contesté ; les individus tenant ces propos furent accusés d’antisémitisme, et les actions des Nations Unis furent jugées comme partiales.

Contexte

Le rapport du Haut-Commissaire sur la répartition des ressources en eau dans les territoires palestiniens occupés est mandaté par la résolution 43/32 (2020), qui demande au Haut-Commissaire de publier un rapport contenant des recommandations sur l’implantation d’un accès à l’eau équitable, en accord avec le droit international.

Le rapport présente les activités de maintien des droits humains de l’OHCHR, ainsi que les opérations du gouvernement et les informations des organes et agences de l’ONU et d’autres ONG. Le Conseil des Droits de l’Homme a sollicité Israël et l’Etat de Palestine pour qu’ils fournissent des précisions sur les activités mises en place pour assurer l’accès à l’eau dans les territoires palestiniens occupés (TPO). Si la Palestine a soumis des propositions et informations à l’OHCHR, ce ne fut pas le cas d’Israël. La politique d’occupation d’Israël empêche la population palestinienne de profiter de droits fondamentaux tels que l’accès à l’eau et à l’hygiène. Le rapport le prouve, et évalue en parallèle les politiques des autorités Palestiniennes dans la Cisjordanie et à Gaza afin d’assurer que les mêmes droits sont garantis sur ces territoires, en accord avec les standards du droit international.

Rapport du Haut-commissaire aux droits de l’homme

Le Rapport A/HRC/48/43 sur la distribution des ressources en eau souligne une augmentation des besoins d’eau dans les territoires palestiniens occupés due à leur croissance démographique. La population urbaine des TPO a triplé dans les vingt dernières années, ce qui a participé à l’épuisement des nappes phréatiques locales. L’occupation israélienne du territoire a rendu les ressources plus rares, à cause de la fragmentation du territoire restant et des restrictions sur l’accès et le contrôle des ressources naturelles. Les trois sources majeures d’eau naturelle dans les TPO sont le fleuve Jourdain, l’aquifère côtier et l’aquifère montagneux. Depuis les annexions israéliennes de 1967, ces trois points d’eau furent placés sous contrôle militaire israélien et soumis à l’ordre militaire 92 (1967) qui interdit aux palestiniens de construire de nouvelles infrastructures ou de garder les infrastructures existantes sans un permis militaire.


On estime que 660 000 Palestiniens n’ont qu’un accès limité à l’eau, dont 420 000 qui consommeraient moins de 50L en moyenne par jour et par personne, une donnée très éloignée des 100L recommandés par l’OMS. 14 000 Palestiniens de la zone C n’ont aucun accès au réseau d’approvisionnement en eau. Le rapport mentionne que les provisions des Accords d’Oslo en termes de distribution des ressources en eau sont inéquitables, non seulement à cause de l’augmentation de la population, mais aussi à cause de problèmes de mise en pratique des décisions, dû au conflit opposant les deux pays. Israël refuse de collaborer avec la Palestine dans les projets qu’elle propose, et la Palestine rencontre des difficultés techniques dans ses tentatives d’exploitation de l’aquifère est. De plus, les restrictions de mouvement imposées par Israël sur les Palestiniens empêchent le développement de projets autonomes à la Palestine.

Le rapport estime qu’un tiers de toute l’eau fournie aux autorités palestiniennes est perdue en fuites causées par la mauvaise qualité des tuyaux qui relient les communautés palestiniennes en Cisjordanie. Les autorités palestiniennes accusent Israël d’empêcher les contrôles de maintenance et de repousser la désalinisation et les travaux d’irrigation et de recyclage de l’eau. Des projets de forage de puits et de récolte d’eau de puits sont mis en pause par les autorités israéliennes, et des infrastructures sont détruites ou confisquées. Certaines de ces structures sont pourtant fournies par des agences humanitaires étrangères.

En 2016, la qualité des nappes phréatiques en Cisjordanie était encore acceptable. Cependant, un nombre inquiétant de puits dans la vallée du Jourdain semblent contenir une haute concentration de chlorure, au-dessus de la valeur maximale de 250m/L recommandée par l’OMS. Les colonies Israéliennes limitent les ressources en eau des Palestiniens et polluent l’eau, l’air et le sol de la Cisjordanie. Cette pollution est due au relâchement d’eaux usées non traitées près de l’aquifère montagneux qui approvisionne les habitants Palestiniens. En réponse au problème, les autorités israéliennes ont établi des systèmes de purification et de filtration dans la vallée du Kirdon pour permettre le traitement des eaux usées et leur utilisation dans l’agriculture. Cependant, cette mesure a reçu la critique d’avoir été prise dans l’intérêt unique des colons israéliens.

Le rapport accuse les pratiques et politiques israéliennes de créer un environnement coercitif et des conditions de vie intenables pour les Palestiniens, en restreignant l’accès à l’eau en Cisjordanie. Les citoyens palestiniens de Jérusalem-Est font face à de nombreuses contraintes concernant l’accès à l’eau, car ils se trouvent pris entre plusieurs réseaux d’approvisionnement différents. Des châteaux d’eau mobiles palestiniens ainsi que des installations sanitaires on fait l’objet d’expulsions, de confiscations et de démolition. La Haute Commissaire note que ces démolitions pourraient constituer une violation des obligations de l’Etat occupant à restaurer et maintenir la vie des civils.
Le manque d’accès à l’eau potable en Cisjordanie et à Jérusalem Est a forcé les Palestiniens à acheter de l’eau potable à des prix exorbitants. Ceci a un impact négatif direct sur le revenu disponible des ménages palestinien, et affaiblit de nombreuses communautés palestiniennes. Lors de crises sanitaires comme la pandémie de la COVID-19, ces communautés pauvres en eau sont particulièrement vulnérables. La coupure d’eau de Masafer Yatta en 2020 a laissé sans eau près de 1400 personnes, dont des enfants, à l’apogée de la pandémie Covid-19. La réponse d’Israël à cette crise a par ailleurs probablement empiré les risques de contracter le virus.


La qualité de l’eau à Gaza est trop basse pour être potable. D’après les accords d’Oslo, Israël doit fournir Gaza en eau à hauteur de 5 MCM minimum par an. Les autorités palestiniennes achètent cette eau au Mekorot, qui la répand grâce au réseau existant dont l’insalubrité rend l’eau achetée impropre à la consommation. Les restrictions sur l’utilisation de l’eau, des terres et l’importation des matériaux a un impact négatif sur l’agriculture et pousse les agriculteurs à utiliser des fertilisants chimiques en quantité excessive pour améliorer les rendements. Ces produits chimiques s’écoulent vers les aquifères dans les égouts, contaminent l’eau et créent des maladies. Ces produits contiennent des nitrates qui s’infiltrent dans les ressources en eau potable et interrompent la croissance des enfants et le développement du cerveau, impactant ainsi la santé des résidents pour leur vie entière. De grandes quantités de nitrates causent aussi des cyanoses, augmentent le risque de cancer et posent de graves dangers aux femmes enceintes. 26% des maladies infantiles à Gaza sont attribuées à la consommation d’eau contaminée. Les pauvres ressources en eau propre et le mauvais accès à l’hygiène créent un terrain fertile pour de futures épidémies.

Débat général

La Haute commissaire évalue qu’au moins la moitié des habitants de Gaza ont besoin d’une intervention sanitaire immédiate. 96% des ménages reçoivent une eau qui ne satisfait pas les critères de potabilité. Elle a insisté sur le fait que les accords d’Oslo II entre Gaza et la Cisjordanie sont injustes et inadéquats à la protection de la population. Elle a demandé à tous les acteurs impliqués dans le conflit de prendre des mesures pour mettre en œuvre ses recommandations.

La résolution 30/1 a établi en urgence une Commission d’enquête internationale pour mener une enquête en Palestine occupée, à Jérusalem Est et en Israël. La Commission se penche sur toutes les accusations de violations du droit international depuis avril 2021. Le 22 juillet 2021, Navi Pillay a été nommé pour présider sur la commission.


La délégation Palestinienne a pris la parole pour exposer le déséquilibre entre les ressources en eau allouées aux Palestiniens et celles allouées aux Israéliens. La destruction des infrastructures ainsi que les représailles quotidiennes contre des sites sacrés perpétrées par les forces israéliennes ne sont que trop répandues en Cisjordanie. La confiscation des territoires et des ressources par les colons israéliens n’ont fait qu’augmenter sous la protection de l’Etat occupant. Le blocus de Gaza qui dure depuis 13 ans a anéanti tout effort de reconstruction, et a ralenti l’approvisionnement de vaccins contre le Covid-19. Le délégué a insisté sur la souffrance des Palestiniens, leur droit à l’auto-défense, et a demandé de mettre fin à l’occupation israélienne afin de rendre à la Palestine son droit à l’auto-détermination.


Le conseil de coopération du Golfe a exprimé son soutien à la Palestine et à la réalisation d’une souveraineté palestinienne. Le délégué a demandé aux deux parties d’accélérer et de renforcer le processus de paix. Il a demandé à tous de mettre fin au harcèlement des Palestiniens afin d’obtenir une paix durable pour la région entière.

Cuba et la Fédération Russe ont aussi noté la récurrence des violations des droits de l’homme à l’encontre des Palestiniens. Ces délégations ont réitéré leur opposition ferme à l’idée d’un seul Etat, et ont insisté sur la nécessité de garder l’objet 7 à l’ordre du jour. Ces délégations ont demandé qu’Israël se retire du Golan Syrien et reprenne les frontières du 4 Juillet 1967. Le délégué cubain a condamné les plans d’annexion des territoires palestiniens de Cisjordanie, qui mèneraient à une augmentation des risques de conflit et réduire les chances de paix.


La Namibie a qualifié les actions d’Israël d’hypocrites, notamment concernant la déclaration du pays sur les femmes, la paix et la sécurité qui ignore complètement la violence infligée aux femmes et aux enfants de Palestine. Le délégué a appelé l’occupant à stopper les violations des droits humains dans les territoires occupés, et à amener les responsables devant la justice. Il a mentionné le fait que les requêtes passées n’ont abouti à aucun résultat, et qu’Israël continue d’ignorer les appels de la communauté internationale à arrêter la violence.

En conclusion de la discussion, la plupart des délégations présentes ont exhorté Israël à garantir l’accès à l’eau de manière immédiate et universelle dans les territoires palestiniens et Jérusalem-Est

Position de Geneva International Centre for Justice

Geneva International Centre for Justice (GICJ) insiste sur les obligations de pouvoir occupant en termes d’accès à l’eau et à l’hygiène pour tous les Palestiniens. Nous accueillons avec intérêt le rapport de la Haute Commissaire et les recommandations fournies à Israël afin d’agir contre la crise d’accès à l’eau dont souffrent les Palestiniens. Il est impératif qu’Israël respecte les droits fondamentaux des Palestiniens et cesse tout abus commis contre ce peuple.

Les droits à l’eau et à l’hygiène sont des droits fondamentaux selon la résolution 64/292 de l’Assemblée Générale. Tristan Arlaud, de GICJ, s’est exprimé au nom du Meezaan Center afin de condamner les actions d’Israël qui visent à se servir de l’accès à l’eau comme outil de domination sur la Palestine. Les derniers bombardements d’Israël sur la bande de Gaza ont causé de graves dégâts aux infrastructures d’accès à l’eau. Ces attaques devraient alarmer la communauté internationale.

De plus, nous rappelons au gouvernement israélien que ces actes constituent des violations du droit international des droits de l’homme. Par conséquent, nous appelons la communauté internationale à prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre des résolutions de l’ONU. L’occupation israélienne doit prendre fin, et les Palestiniens doivent enfin pouvoir jouir de leur droit inaliénable à l’auto-détermination. Nous réitérons que tous les actes visant à restreindre l’accès à l’eau et à l’hygiène sont inhumains, et privent les Palestiniens d’un droit essentiel à la réalisation de leurs libertés selon la résolution de l’Assemblée générale 64/392.

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Justice, Human rights, Geneva, geneva4justice, GICJ, Geneva International For Justice

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